article partenaire

Photo : Stofleth
De tous les festivals qu’il a tricoté depuis son arrivée à la tête de l’opéra, Serge Dorny livre le plus spectaculaire, le plus visionnaire et le plus culotté : Justice/Injustice, qui réunit une création mondiale, trois œuvres contemporaines, des metteurs en scène au geste pur et des chefs faisant entendre une musique aux partis pris insensés et jubilatoires. Explications avec l'intéressé. Pascale Clavel
Le festival Justice/Injustice ne devrait-il pas s’appeler Festival Robert Badinter ?
Serge Dorny : Non. J’ai une estime énorme pour Robert Badinter, je le vénère, je suis un "Badinterâtre", à la fois au niveau de l’engagement, de l’éthique, de la personne même. Mais l’opéra Claude, dont il signe le livret, est une œuvre parmi plusieurs. Quand je vois le festival, je vois quatre œuvres : Le Prisonnier de Dallapiccola et Erwartung de Schoenberg, Fidelio de Beethoven et une création mondiale, une nouvelle commande, à partir d'un texte de Victor Hugo, écrite par Robert Badinter et composée par Thierry Escaich.
Bien évidemment le librettiste Badinter est une personne immense. Il a une place importante, le personnage est fascinant, intellectuellement et humainement. Sa détermination et son engagement sont exceptionnels. J’ai eu le privilège de travailler avec lui depuis quelques années et au-delà de la commande, j’ai rencontré un être à part.
Comment s'est monté Claude ?
C'est lors d’un dîner qu'il m’a parlé de Claude le gueux d’Hugo, œuvre que je ne connaissais pas. J’ai acheté ce livre au moment où j’étais en discussion avec Thierry Escaich pour lui commander un opéra. Nous avions évoqué ensemble plusieurs œuvres mais n'avions pas encore arrêté le sujet. J’ai téléphoné à Robert Badinter et lui ai dit mon envie d’adapter Claude.
Pour moi, il y a une convergence évidente entre Hugo et Badinter parce que le second a poursuivi la lutte du premier et l’a accomplie en 1981 avec l’abolition de la peine de mort. Anciens sénateurs, ils ont un destin et engagement commun, des parcours qui se croisent… J’ai ensuite donné ce livre au compositeur et nous sommes tombés d’accord.
Olivier Py à la mise en scène, Badinter au livret, Escaich à la composition et Jérémy Rhorer à la direction… Comment s'équilibrent des personnalités si fortes ?
Il y a eu un respect mutuel et immédiat du travail de chacun. Tous les protagonistes ont une admiration sans borne pour Badinter, pour ce qu’il a défendu, l’homme qu’il est. Il est à la fois intimidant et reste d’une grande humanité. Le livret est très abouti, la musique extraordinaire. C’est une première pour tous : premier opéra pour Escaich, premier livret pour Badinter, première fois que Jérémie Rhorer dirige un opéra contemporain. La prise de risque est importante.
Mais le choix de Thierry Escaich comme compositeur s’est fait de façon évidente : il fallait un compositeur au langage musical immédiat. Il a une véritable sensibilité par rapport à la prosodie et c’est très important, surtout quand le livret est en français. Sa musique est d'une manière générale émotionnelle mais pas sentimentale. Quant à Jérémie Rhorer, il a évolué dans cette maison, a été l’assistant de William Christie, a dirigé beaucoup d’œuvres chez nous. Il est également compositeur et son professeur de composition s’appelait… Thierry Escaich. J’ai formé une équipe qui a des points de vue esthétiques communs, mais je voulais surtout permettre à chacun de dépasser ses propres codes.
Hormis Claude, quels sont les autres spectacles présentés ?
Le Prisonnier et Erwartung forment une combinaison d’œuvres très intéressantes. Schoenberg et Dallapiccola sont tous les deux des victimes du nazisme. Schoenberg a du quitter Vienne pour lui échapper. Dallapiccola, qui a eu d’abord de la sympathie pour Mussolini, s’est lui rapidement rendu compte qu’il s’était trompé. Le Prisonnier se passe sous l'Inquisition, un fondamentalisme religieux tel qu’on le connait encore aujourd’hui. Dans Erwartung, une femme va dans la forêt et pense, à chaque fois qu’elle touche un arbre, qu’elle touche un corps.
Les deux œuvres, qui traitent de l'espace mental et dont j'ai confié la mise en scène au génial Alex Ollé et à la Fura dels Baus, sont articulées scénographiquement et scéniquement de manière très différentes : du théâtre pur pour Le Prisonnier ; un dispositif vidéo sublimissime et enivrant pour Erwartung. Elles sont en quelque sorte deux monodrames et Alex Ollé en fait des thrillers passionnants qui rendent justice à leur sens et à la partition, tandis que la lecture de Kazushi Ono les fait sonner post-romantique.
Quant à Fidelio, c’est une pièce politique où Beethoven dit que pour rester au pouvoir, on est prêt à tout, à tuer des opposants, à leur enlever la parole… C’est une histoire de tous les temps. Ce festival étant très contemporain, il me fallait faire aussi un geste contemporain sur Fidelio. J’ai donc demandé au vidéaste Gary Hill de faire, non une mise en scène, mais un geste artistique, plastique, une mise en espace. Initialement, je voulais faire une version concert avec une mise en espace et Gary Hill a proposé d’aller plus loin : l’orchestre reste dans la fosse, l’installation vidéo prend tout l’espace. Il a de plus a mixé l’histoire avec celle d’Aniara, poème de science-fiction des années 60 qui parle de l’espace. Fidelio se passe donc à bord d’un vaisseau spacial qui ne peut plus revenir à la base, comme condamné à rester en orbite.
Justice/Injustice
A l'Opéra, du mercredi 27 mars au lundi 15 avril
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Mardi 10 mai 2022 Mercredi, jour de sorties en salles : voici notre sélection des films à voir à Lyon cette semaine.
Mardi 12 avril 2022 ADOS est une association qui prône des valeurs d’inclusion et d’égalité des chances. Un lieu ressource à destination des jeunes collégiens, lycéens et de leur famille. Objectif : les accompagner au mieux dans leur scolarité.
Mardi 1 février 2022 Sortie de l’ENSATT il y a une dizaine d’année, le Collectif 70 se coltine l’écriture au scalpel du (...)
Mardi 8 février 2022 Le jeune Collectif 70 s’empare de deux pièces courtes et asphyxiantes de Lars Norén. Et creuse avec modestie et talent les arcanes de la radicalisation.
Mardi 18 janvier 2022 Indispensables
★★★★☆ The Chef
Chaud devant, voici un caviar : une immersion en temps réel (tournée en (...)
Mardi 14 décembre 2021 Ce rapport était attendu. Une partie de la ville bruissait de rumeurs à son sujet, suite aux révélations de Médiacités, qui avait dévoilé en mai 2017 les largesses que s'octroyait Serge Dorny, alors directeur, avec ses notes de frais. Il est arrivé,...
Mercredi 13 octobre 2021 Grosse rentrée pour la CinéFabrique ! Le 2 septembre dernier, le chef de l’État en personne annonçait lors de sa (...)
Jeudi 23 septembre 2021 Après deux saisons perturbées par la crise sanitaire, l'Opéra de Lyon rouvre ses portes avec une saison qui reste fidèle à sa vocation d'innovation, de créativité et d'ouverture.
Mercredi 30 juin 2021 À quelques pas du Musée des Beaux-Arts, la Galerie Ceysson & Bénétière propose un nouvel et vaste espace d’exposition sur deux niveaux. Créée en 2006 à (...)
Jeudi 17 juin 2021 Excellente nouvelle pour les curieux d’art contemporain : la prestigieuse galerie Ceysson & Bénétière ouvre un grand espace à Lyon (300 m²), à (...)
Vendredi 12 mars 2021 École Nationale Supérieure à part à qui la Ville de Lyon commence à s’intéresser, la jeune CinéFabrique forme ses élèves aux métiers de l’image et du son. Mais aussi à une approche citoyenne et collective d’une industrie artistique très dynamique....
Vendredi 5 mars 2021 Richard Brunel, futur directeur de l'Opéra, et Serge Dorny, l'actuel dirigeant du lieu, ont vivement réagi à l'annonce de la baisse de la subvention de l'Opéra de Lyon.
Jeudi 4 mars 2021 Coup de tonnerre à l'Opéra de Lyon : la Ville, par l'intermédiaire de son adjointe à la Culture, a décidé d'ôter 500 000€ par an de subvention au lieu dirigé par Serge Dorny pour quelques mois encore. Ce dernier a été prévenu il y a trois jours....
Jeudi 25 juin 2020 Promis à la Cour d'honneur d'un festival balayé par la Covid, Jean Bellorini fera bien, in fine, la création du Jeu des ombres de Valère Novarina dans la (...)
Mercredi 10 juin 2020 Olivier Conan, en quittant son poste à l'Opéra, a entraîné un jeu de chaises musicales : Richard Robert quitte ainsi les Nuits de Fourvière pour le remplacer. Et Sophie Broyer, ancienne de l'Épicerie Moderne, débarque elle aux Nuits.
Mardi 4 février 2020 Dix ans après sa création, Gallotta reprend à Lyon sa pièce rock et érotique, adaptation de l'album de Gainsbourg chanté par Bashung, L'Homme à tête de chou.
Mardi 7 janvier 2020 La deuxième partie de la saison danse s'annonce tout à la fois sous le signe de la découverte et des reprises. Et aussi du retour à Lyon de grands chorégraphes comme Sidi Larbi Cherkaoui, Akram Kahn, Eun-Me Ahn...
Mardi 22 octobre 2019 C'est Richard Brunel qui va succéder à partir du 1er septembre 2021 à Serge Dorny à la tête de l'Opéra de Lyon. Franck Riester, ministre de la Culture, a validé le choix du jury en fin de journée.
Mardi 15 octobre 2019 Une bande de pieds nickelés belges se fait refiler un tuyau en or : séquestrer Wilfrid, propriétaire d’un carwash, pendant un mois d’été et récupérer la caisse à sa place. Étonnamment, la victime — un excentrique célibataire — est consentante et les...
Mardi 8 octobre 2019 En ce temps où les ours et les humains vivaient en paix, le jeune Tonio, fils du roi des ours, se fit capturer par des chasseurs en Sicile. Aidé par un magicien, son père envahit la plaine des Hommes et remporta la victoire. Commença alors une...
Mardi 10 septembre 2019 Festivals installés comme Sens Dessus Dessous ou le Moi de la Danse, chorégraphes stars tels Christian Rizzo ou Merce Cunningham, découvertes potentielles : voici les dix dates que les amateurs de danse se doivent de cocher de suite sur leur...
Mardi 4 juin 2019 La saison 2019/2020 de l'Opéra de Lyon suscite comme chaque année de l'étonnement, tant l'audace artistique est devenue une marque de fabrique de la maison lyonnaise.
Mardi 14 mai 2019 La Maison de la Danse fêtera en 2020 ses quarante ans d'existence. Et propose dès cet automne une saison pour le moins alléchante.
Mardi 9 avril 2019 Les amateurs de littérature identifient à cent mètres de distance les couvertures jaune orange des éditions Verdier, label de qualité qui abrite en son sein des (...)
Mardi 22 janvier 2019 Au Goethe-Institut, Claude Horstmann rouvre les mots et l’écriture à leurs racines graphiques et gestuelles. Et leur redonne une épaisseur inquiète et émouvante.
Lundi 31 décembre 2018 Vues ou pressenties comme intéressantes, voici notre sélection de cinq expositions à ne pas manquer en cette nouvelle année dans les musées et les galeries de la région.
Lundi 24 décembre 2018 Bref par la durée, le deuxième long-métrage de Louis Garrel est un grand et beau film atemporel coécrit par un scénariste de légende, Jean-Claude Carrière et co-interprété par Laetitia Casta. Conversation à trois, entre voix feutrées et phrases...
Mardi 18 décembre 2018 Le Musée des Beaux-Arts de Lyon consacre au mésestimé Claude une exposition sobre et lumineuse. L'occasion de redécouvrir cet empereur romain, et plus largement tout un univers politique, familial et esthétique.
Mardi 11 décembre 2018 Dans une proposition plus aride que jamais, Christian Schiaretti semble avoir trouvé avec L’Échange de Claudel la matière à un ascétisme qui repose entièrement sur le texte et les acteurs.
Jeudi 6 décembre 2018 Vues ou pressenties comme intéressantes, voici notre sélection de cinq expositions à découvrir ce mois-ci. Dans les musées et les galeries de Lyon.