Le travail du négatif

Jean-Luc Blanchet

Galerie Domi Nostræ

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Procédant par effacement, le peintre Jean-Luc Blanchet redonne vie aux images. Une vie fantomatique, fragile et ambigüe certes, mais d’autant plus intéressante et poignante. Jean-Emmanuel Denave

La technique du peintre lyonnais Jean-Luc Blanchet (né en 1976) est assez singulière : il recouvre entièrement ses toiles de glycéro noire - une substance toxique qui, on le voit sur certaines vidéos où l'artiste porte un masque à gaz, donne à son travail un caractère urgent - qu’il efface ensuite progressivement afin d’obtenir ses images : fleurs, visages, animaux, lamentations… Une technique proche de celle du sculpteur qui produit ses formes par soustraction de matière, d’un Fontana perçant ou découpant ses toiles ou de l’idée de Gilles Deleuze selon laquelle l’artiste (ou l’écrivain) est moins confronté à l’angoisse de la surface blanche qu’à un  trop plein d’images et de mots.

The Mediatic People Pop Star Shit System, oeuvre exposée à la galerie Domi Nostrae et sur laquelle figure une Marylin fantomatique flottant parmi des nuages de peinture, constitue un bel exemple de solution pour creuser le "trop plein" ou, tout simplement, montrer l’envers du décor. Mais si Blanchet est parvenu à une certaine virtuosité, c’est bien davantage ce que sa démarche dit d’une quête obsédante et tenace qui nous passionne. Quête (et reconquête) de l’image archaïque aussi bien qu’étymologique (l’imago ayant rapport à la mort et aux fantômes), travail du négatif aussi bien au sens philosophique (de Hegel à Lyotard) que psychanalytique (André Green) voire littéraire (Maurice Blanchot).

Psyché

Ad Reinhard, dans les années 1960, répétait les mêmes monochromes noirs en clamant (un peu trop fort et trop vite) la mort de la peinture. C’est à partir de ce point, de cette mort et du monochrome, que crée Jean-Luc Blanchet, dans un geste concomitamment négatif et créatif. Ses toiles sont aussi, dans toute la polysémie du terme, "psyché", miroir.

L’artiste présente d’ailleurs cinq miroirs noirs où se reflète parfaitement le visage du visiteur. Cinq miroirs comme les cinq sens dans lesquels l’image, avant de se faire signification et se constituer en objet et extériorité, n’est que sensation, subjectivité et relation. Il faudra ensuite s’en arracher, comme le fait encore très concrètement Blanchet en "arrachant" deux toiles collées l’une à l’autre, ou bien encore en accepter toute l’ambivalence et l’ambiguïté, comme dans L'Humanité, sa toile la plus puissante où parmi un fouillis de traits noirs, apparait un visage effrayé autant qu’effrayant.

Effacement (Jean-Luc Blanchet)
A la galerie Domi Nostrae jusqu'au dimanche 14 avril

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 2 mai 2017 À l'occasion de l'ouverture récente du Musée Jean Couty, voisin de quelques mètres, l'Attrape-Couleurs réunit cinq artistes lyonnais qui, chacun, ont une (...)
Jeudi 25 mars 2010 Expo / Jean-Luc Blanchet compose ses toiles en effaçant de la peinture. Et construit un univers sombre et sous tension, où les limites entre la vie et la mort, l'apparition et la disparition se brouillent... Jean-Emmanuel Denave

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X