Iron Man 3

Iron Man 3
De Shane Black (Chi-ÉU, 2h10) avec Robert Downey Jr., Gwyneth Paltrow...

Ce troisième volet des aventures de Tony Stark n’est pas à la hauteur des deux précédents, et l’arrivée de Shane Black derrière la caméra s’avère plutôt contre-productive, partagé entre retrouver son mauvais esprit des années 80 et s’inscrire dans une ligne post-"Avengers". Christophe Chabert

Les deux premiers Iron Man avaient séduit par leur sens du contre-courant : à une époque où les super-héros au cinéma se devaient d’avoir une névrose intime et où le réalisme à la Nolan commençait à faire école, Jon Favreau, pourtant pas le cinéaste le plus fin de la terre, avait fait de Tony Stark un homme sans états d’âme, déconneur et flambeur, œuvrant pour la bonne cause comme un industriel exploiterait un marché juteux.

Surtout, Iron Man se confondait avec son acteur, Robert Downey Jr, dont le débit mitraillette et la décontraction affichée avaient dans le fond plus de poids que la lourde armure qui le transformait en justicier.

Une sorte de héros cool et pop dont ce troisième volet ne sait plus tellement quoi faire… Shane Black, scénariste culte dans les années 80 et 90, réputé pour son esprit badass et ses vannes provocatrices, par ailleurs auteur d’une très bonne comédie policière déjà avec Downey Jr, Kiss Kiss Bang Bang, a été appelé à la rescousse de la franchise, et se retrouve avec un fardeau à porter : faire le premier film de super-héros Marvel post-Avengers.

L’Avenger démasqué

Le script choisit de ne pas ignorer le méga-film de Joss Whedon, et multiplie les références à «ce qui s’est passé à New York». Iron Man 3 s’assume donc autant comme une suite du deuxième que d’Avengers ; pourtant le film a besoin de retourner en arrière, avant le premier volet, pour construire son intrigue. À Berne, en 1999, Stark drague une scientifique — Rebecca Hall, que l’on voit trop peu, ici comme ailleurs — travaillant sur une substance, Extremis, permettant au cerveau de développer des capacités de régénération mais qui, encore imparfaite, peut aussi métamorphoser ceux qui se l’injectent en bombes humaines. Le même soir, au même endroit, Stark pose un lapin à un geek qui, des années après, décide de se venger en détournant ladite substance à des fins terroristes — encore un numéro de transformisme bouffon signé Guy Pearce, dont on se demande vraiment ce qu’il cherche à faire de sa carrière.

À cela s’ajoute la figure du Mandarin, sorte de Ben Laden de carnaval, qui menace l’Amérique à coups d’attentats terroristes. On le voit, Black n’a pas lésiné sur les ingrédients pour donner du corps à cette troisième aventure. Mais cette débauche exponentielle de pistes scénaristiques — on ne les a pas toutes citées — ne résout pas un problème de fond : comment faire évoluer un personnage qui, par nature, n’a pas envie d’être autre chose que lui-même.

Docteur Downey et Mister Black

C’est là où le film échoue complètement. Dès la voix-off inaugurale, on découvre un Tony Stark soudain sérieux, en pleine séance psy — le post-générique en fera un gag bien lourdaud, qui témoigne d’un certain cynisme en la matière — et désireux de reprendre son autonomie face à son double de fer. Schizophrénie qui débouche sur la meilleure idée du film : Stark et Iron Man font la plupart du temps chambre à part, l’homme pilotant à distance l’armure ou la laissant dans le garage d’un gamin le temps que celle-ci se recharge.

Bonne idée sur le fond, mais contre-productive dans les faits, notamment pour Downey Jr qui tente assez vainement, au naturel, d’égaler les mythiques héros de Shane Black — le Martin Riggs de L’Arme fatale, en particulier. Iron Man 3 est alors tiraillé entre plusieurs voies contradictoires : donner de l’épaisseur psychologique à son héros ET ponctuer ses dialogues de punchlines vachardes — et inégales ; retrouver l’efficacité brute des films d’action à l’ancienne — l’irruption dans le quartier général du Mandarin — ET surenchérir dans la pyrotechnie dispendieuse des blockbusters contemporains ; tenter d’incorporer les peurs et fantasmes politiques de l’époque ET retrouver l’esprit potache et inconséquent des séries B 80’s. Ces grands écarts sont difficiles à suivre, et autant on se réjouit du génial cabotinage de Ben Kingsley en Mandarin, autant on se demande si ce méchant en trompe-l’œil ne sert pas, dans le fond, à rallonger une sauce déjà assez laborieuse.

Car on s’ennuie devant cet Iron Man 3, comme on s’ennuyait déjà devant Captain America et Thor, autres projets mal ficelés et bourrés de compromis. On ne veut pas avoir l’air d’inventer l’eau froide, mais tout cela reste de la pâtisserie hollywoodienne, avec ce qu’elle implique de savoir-faire, mais aussi de fabrication industrielle et d’emballage marketing. À force d’en bouffer tous les quatre matins, on aurait tendance à l’oublier.

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