Mercredi 15 mars 2023 Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous avez déjà vu son œuvre. Shepard Fairey, plus connu pour sa campagne Obey, a réalisé plus de 2000 œuvres en 33 ans de carrière. Bonne nouvelle pour les amateurs de street art, une exposition...
Quand le détail noie la gestalt
Par Charline Corubolo
Publié Vendredi 3 mai 2013
Photo : Nicolas Le Borgne
Nicolas "Odö" Le Borgne
Spacejunk
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Déformés, noyés dans un brouillard de lignes, les personnages de Nicolas Le Borgne, a.k.a. Odö, échappent à l'iris. Mais peu à peu l'univers sarcastique de l'artiste apparaît, dans lequel pin-up cadavériques, Mickey dégoulinant et autres figures de cartoon malmenées se côtoient. Une figuration où le détail rend l'image complexe mais percutante. Charline Corubolo
Exposé à la galerie Spacejunk, Nicolas Le Borgne est issu de la board culture, autrement dit un courant marqué par le street art et le skateboard. Son univers pourrait dès lors ressembler à bien d'autres, entre graffiti et photographies passées au filtre Instagram.
Il n'en est rien, Odö se distinguant de ses pairs par un trait minutieux fait de messages polysémiques. Affilié au Lowbrow, mouvement pictural apparu à la fin des années 1970 à Los Angeles, ce jeune artiste reprend les codes de l'imagerie populaire américaine et trouve l'inspiration dans les dessins animés de son enfance.
Armé de stylos et d'aquarelle, il détourne la figure de Mickey et celles de ses copains, comme sur la toile Bloody Minnie (2012), où Minnie est triturée dans tous les sens : dents pointues, yeux délirants et membres difformes, le personnage apparaît cauchemardesque. De ses bras coupés s'échappe une substance fibreuse qui envahit l'espace : elle semble se vider de son essence, comme si tout ce qui chez elle pouvait être innocence était évacué. Il en va de même avec You take too much (2012), où le nez et la langue de la mascotte de Disney se transforment en ballons percés, dont le dégonflement permet à Odö de faire disparaître la candeur de l'enfance.
Tatoue-moi le cartoon
Odö pousse la réflexion et le graphisme encore plus loin avec les Simpsons, dans des dessins visuellement plus hermétiques. Mais lorsque l'œil a démêlé l'ensemble, il y découvre une critique bien plus acerbe que les précédentes. Côte à côte, les portraits de Bart et Homer dévoilent des personnages grotesques et fumants, dont les tatouages se font dénonciations de la junk food, des armes et de l'alcool. Ce sont toutefois les titres des deux œuvres qui leur donnent toute leur dérision. Avec Smell like teen spirit (2012) pour le premier et The real dude (2013) pour le second, l'artiste met en lumière une réalité sociétale souvent occultée : une jeunesse perdue, un modèle masculin qui s'effondre.
Mais sorti de cette démarche de juxtaposition culturelle, autrement dit lorsque Odö use simplement d'une esthétique liée à l'encre et aux vanités, les tableaux perdent de leur force, tant graphiquement que sur le plan du discours. Nonobstant cette dernière série en demi-teinte, l'exposition a le mérite de montrer l'évolution de Nicolas Le Borgne (la galerie l'avait déjà exposé en 2009) et la façon dont son univers s'enrichit en fantaisie et en références, à travers un dessin toujours plus élaboré et détaillé.
Cross my Heart and Hope to Die
à la galerie Spacejunk, jusqu'au samedi 11 mai
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