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Notre besoin de poésie

Le Sentiment de la vie

Les Subs

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Parmi les nombreux auteurs invités cette année aux Assises Internationales du Roman, nous avons choisi de mettre en avant l’Islandais Jón Kalman Stefánsson. Parce qu’il écrit de forts beaux livres. Et parce que ses mots ne sont pas sacrifiés à un imaginaire stérile, mais forent et forgent les puissances du réel. Jean-Emmanuel Denave

Jack London, Jules Verne, Alexandre Dumas, Herman Melville… Comme beaucoup de gosses, la littérature nous a pris, d’abord, dans les filets de ses grands espaces, de ses aventures, de ses personnages hauts en couleurs. Alors quand l’Islandais Jón Kalman Stefánsson nous embarque avec le capitaine Pétur et son équipage pour une longue partie de pêche à la morue, nous retombons en enfance ou presque. A tel point, qu’en un sursaut critique, nous nous demandons, au début du premier volume de sa trilogie dite du "gamin", si Entre ciel et terre n’est pas, au fond, destiné à un public adolescent.

D’autant plus que Stefánsson use abondamment d’images naïves et n’hésite pas à nous plonger dans un lyrisme des plus étonnants pour un auteur du XXIe siècle. A ce propos, l’auteur répond dans une interview (Le Matricule des anges de janvier 2013) : «Je ne suis pas sûr que ce soit tellement osé : pour moi, c’est simplement normal, j’écris tout bonnement comme je pense, et comme je respire. Je crois aussi que la poésie habite beaucoup plus de lieux que ne le soupçonnent la plupart des gens, tout le monde ne la décèle pas. Et peut-être est-ce l’un des rôles de la littérature que de la déceler, puis de la dévoiler et ce faisant, espérons-le, de rendre la vie et notre existence plus vastes».

Ressaisir le monde

L’écriture de Jón Kalman Stefánsson, derrière ses aspects humbles et directs, sonde en effet bien des profondeurs, des gouffres (marins et existentiels), bien des forces qui nous traversent et nous dépassent. Peu à peu son charme chamanique opère, avec ses phrases aux nombreuses virgules, enchaînant différentes unités d’actions ou de pensées. C’est d’ailleurs l’un des paris un peu fous de l’auteur : enchâsser, dans ses livres, le récit haletant, la métaphysique et la poésie. La littérature elle-même (Le Paradis perdu de Milton, Hamlet de Skakespeare…) fait partie à part entière des "personnages"  de la trilogie, ou constitue du moins l’un de ses ressorts dramatiques.

Les mots et la vie sont indémêlables, accrochés l’un à l’autre dans la grande fresque de l’existence humaine et des puissances inouïes de la nature. Stefánsson touche à ce que l’on pourrait appeler "notre besoin de poésie", sur le modèle de Notre besoin de Rimbaud évoqué par le poète Yves Bonnefoy : «La poésie même passe souvent pour d’abord un travail sur le langage, sur rien que lui, on s’illusionne ainsi aujourd’hui plus que jamais. Et l’aide que Rimbaud peut nous apporter, dans la situation présente, c’est avec toute sa force, toute son énergie, de témoigner de ce que la poésie se doit d’être, non un jeu sur les mots mais une question sur le monde. De l’inciter à se ressaisir».

Changer le monde

«Il lit une nouvelle fois la strophe, ferme les yeux l’espace d’un instant et son cœur se met à battre. On dirait que les mots sont encore capables de toucher les gens, c’est incroyable, peut-être toute la lumière ne s’est-elle pas éteinte en eux, peut-être que, malgré tout, il subsiste quelque espoir» écrit, comme en écho à Bonnefoy, Jón Kalman Stefánsson. Quand donc, au début d'Entre Ciel et terre, il nous embarque avec des marins pour quelques heures de pêche et une grande tempête, il nous fait traverser tout à la fois le temps (sa trilogie se déroule au XIXe siècle), les éléments (le froid, le vent, les embruns, la neige sont aussi des "personnages"), les rapports d’amitié, mais aussi la mort, l’érotisme, la finitude humaine.

Il y a chez Stefánsson une énergétique de la poésie, mise en mouvement dans une thermodynamique plus générale constituée d’hommes, de terre, de ciel, d’eau. Les mots seuls ne suffisent pas. La vie brute ne suffit pas. «Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne nommes ni vivants ni morts. Pourtant, à eux seuls, ils ne suffisent pas et nous nous égarons sur les landes désolées de la vie si nous n’avons rien d’autre que le bois d’un crayon auquel nous accrocher».

Table-ronde "Le sentiment de la vie"
Aux Subsistances, mercredi 29 mai à 19h.

Rencontres Jón Kalman Stefánsson
A la Librairie Lucioles à Vienne jeudi 30 mai, au Progrès vendredi 31 mai et à la Médiathèque d’Anse samedi 1er juin

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