After Earth

After earth
De M. Night Shyamalan (ÉU, 1h40) avec Will Smith, Jaden Smith...

Étrange sensation face à cette rencontre entre la dynastie Smith et l’ex-prodige déchu Shyamalan, celle d’assister à un film dont la simplicité le tire à la fois vers la beauté et vers l’ennui, à une œuvre coincée entre l’épure et l’esbroufe, la sincérité et les arrières pensées. Christophe Chabert

La première surprise d’After Earth, c’est qu’il n’y a à proprement parler aucune surprise. Comprenez : pas de twist spectaculaire, pas de grands morceaux de bravoure, pas de 3D débordante. Même les décors, soigneusement choisis pour représenter une terre revenue à l’état sauvage après une catastrophe écologique ayant obligé l’humanité à la déserter, ne sont jamais regardés comme des éléments d’exotisme rétro-futuriste, mais dans l’ordinaire d’une nature ayant repris ses droits ancestraux.

Ça, c’est pour le versant M. Night Shyamalan, et on peut voir After Earth comme un autodafé de son horrible Dernier maître de l’air : là où hier, la surenchère était de mise pour tenter de retrouver le crédit des studios, c’est un principe déflationniste qui s’applique ici, mais qui conduit paradoxalement à retrouver l’éclat de ses premières œuvres. Même lenteur calculée, mêmes dialogues chuchotés comme si les personnages se réveillaient d’un accident en état de choc, et surtout refus d’un découpage frénétique au profit de plans qui prennent le temps d’installer un climat, reposant sur d’habiles mais discrets détails de mise en scène — un exemple : ce rideau en plastique dont l’ouverture et la fermeture au premier plan ressemblent à un mouvement respiratoire.

Le trajet de Jaden Smith dans After earth fait ainsi penser à un des plus beaux passages tournés par Shyamalan : la traversée de la forêt interdite dans Le Village par une Bryce Dallas Howard aveugle, tiraillée entre terreur de l’inconnu et détermination à sauver son amoureux à l’agonie.

Coûteux egotrip familial

Pas de surprise donc, notamment dans un scénario qui applique un programme précisément établi : perdu sur une terre hostile et abandonné après un crash, un jeune garçon pourra-t-il sauver son père, général inflexible qui ne connaît pas la peur et ne semble éprouver aucune émotion, et ainsi s’affirmer à ses yeux comme son authentique descendant ? Le paternel blessé et immobilisé guide dans un premier temps son fils à distance, l’aidant à surmonter des épreuves, puis l’enfant se retrouve livré à lui-même, et doit donc chercher en lui ses propres ressources pour survivre.

Touchante simplicité de ce récit à la ligne claire revendiquée, où le père devient l’enfant et l’enfant, le père. Une nouvelle fois, pas de surprise : cette histoire-là, écrite par Will Smith lui-même, ne cache pas sa source hautement symbolique, celle de la transmission rêvée de l’acteur star envers son propre rejeton.

Cela ne va pas sans quelques problèmes : si Will Smith impressionne en se coulant dans le jeu blanc et apathique voulu par le cinéaste, Jaden a du mal à ne pas se laisser aller à une forme de démonstration de ses talents tout relatifs d’acteur. Le film menace à tout moment d’être englouti par ce coûteux egotrip familial, mais on ne peut nier que le geste a aussi un certain panache : combien de comédiens hollywoodiens oseraient s’offrir une superproduction de SF pour simplement enregistrer un passage de relais générationnel ? Shyamalan, heureusement, trouve là-dedans suffisamment d’échos avec ses propres préoccupations — notamment dans cette idée, qui traverse son œuvre, de gens extraordinaires qui vivent leur don comme un fardeau — pour calmer les ardeurs de sa famille de stars.

Suggérer ou montrer ?

Reste qu’After Earth est quand même très bancal. Son scénario archi-prévisible, ses dialogues bourrés d’un imbitable charabia geek et ses trop visibles bestioles numériques sont autant d’éléments qui viennent lester le film et le tirer vers un irrépressible ennui. C’est tout le paradoxe du film : quand il ne s’y passe rien, quand Shyamalan pousse au maximum son envie de contemplation et son désir d’épure, After Earth est fascinant ; quand il revient dans les clous de l’entertainment, il a l’air ridicule, dénué de toute sincérité, véhicule incertain et cahotant.

Tout se résume aux deux affrontements avec le monstre du film : le premier, silencieux et résumé à une simple ligne rouge franchie ou non, est admirable de simplicité et rappelle que Shyamalan n’est jamais meilleur que lorsqu’il suggère la peur et le danger ; le second est une scène d’action d’une platitude absolue, combat aussi inepte que ceux du Dernier maître de l’air. Malgré son louvoiement permanent entre ces deux extrêmes, After Earth marque un regain d’intérêt notable dans l’œuvre de son cinéaste, dont on craignait de devoir célébrer la perte définitive.

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