Le Festival Lumière lancé, il est temps pour l'Institut Lumière de sortir de son Cinéma Lumière (malheur du journaliste qui abhorre les répétitions, tout s'appelle Lumière désormais rue du Premier film) pour investir la place Ambroise Courtois et proposer en plein air et à la tombée de la nuit, un nouvel Été en Cinémascope (qui ne s'appelle pas encore L'Été en Cinémascope Lumière ; ouf !).
Cette saison, il y aura du Tsui Hark, du Truffaut, du Woody Allen et du Hitchcock au menu (et aussi du vélo, centenaire du Tour oblige), mais l'apéritif d'ouverture tient déjà bien au ventre, puisqu'il s'agit de La Nuit nous appartient, James Gray cuvée 2007 et sommet de sa trilogie mafieuse. Antidaté dans les années 90, contexte souligné dès une première scène où l'on entend Heart of glass de Blondie à fond les enceintes d'une boîte de nuit pendant que, dans les bureaux, Eva Mendes se prodigue quelque plaisir manuel sous les yeux ébaubis de Joaquin Phoenix — température estimée sur la place à cet instant de la projo : 50° — La Nuit nous appartient retravaille brillamment un thème cher à l'auteur : l'atavisme familial.
Soit deux frères, l'un flic comme papa, l'autre acoquiné avec d'obscurs truands russes, qui vont switcher leurs rôles sans vraiment décider de quoi que ce soit, contraints par la fatalité des événements, le sang qui coule dans leurs veines et celui qui se répand sur le pavé new-yorkais. Gray lui-même est comme l'héritier écartelé du classicisme américain et de la modernité Nouvel Hollywood : cette tension n'a jamais été aussi féconde qu'ici, où l'élégance racée de la mise en scène et la complexité des enjeux sont transcendées par des scènes d'action à faire mourir de jalousie tous les Michael Bay du monde. Bien fait pour eux !
Christophe Chabert
La Nuit nous appartient
Sur la place Ambroise Courtois, jeudi 27 juin