Pendant des décennies, Jean "Moebius" Giraud, l'immortel co-créateur de Blueberry, a été la référence absolue du western réaliste. Et bien qu'ils aient été nombreux à s'aventurer avec succès sur les mêmes impitoyables terres, du docteur ès sales trognes Hermann Huppen (Comanche) au touche-à-tout François Boucq (Bouncer), aucun n'est vraiment parvenu à se détacher de cette figure tutélaire. Sauf Christian Rossi qui, sur un scénario de Fabien Nury et Xavier Dorisson, a opéré en ce début de siècle un impressionnant dépoussiérage du genre avec l'occulte W.E.S.T..
Cet aquarelliste émérite, de passage à La Petite Bulle dimanche 22 septembre, avait pourtant toutes les raisons de rester dans l'ombre du maître : ses débuts dans la peinture de l'Ouest sauvage américain, il les a faits aux côtés de Giraud lui-même, au début des années 90, en prenant sa succession graphique sur Jim Cutlass, une série narrant la lutte d'un ancien officier nordiste contre des extrémistes de tous poils.
Deadline (Glénat), sa dernière œuvre, est presque un retour aux sources, ce one-shot scénarisé par Laurent-Frédéric Bollée prenant place en pleine Guerre de Sécession. Sauf qu'ici, ce ne sont pas tant les colts que les sentiments qui s'expriment, les questions de frontières (territoriales, morales...) s'articulant autour d'un coup de foudre doublement "contre-nature". On n'en dira pas plus, si ce n'est que le résultat, sorte de chaînon manquant entre Django Unchained et Le Secret de Brokeback Mountain, est magistral.
Benjamin Mialot
Christian Rossi
A La Petite Bulle, dimanche 22 septembre