Dix expositions à ne pas rater cette saison. Où l'on apprendra que les artistes figent l'eau de la Saône, passent le permis moto, trompent l'oeil parmi des friches, lisent Virginia Woolf, retournent angoissés en enfance ou bien encore résument en quelques images toute (ou presque) la philosophie de Peter Sloterdijk !Jean-Emmanuel Denave
Anna et Bernhard Blume
Les époux Anna et Bernhard Blume ont l'air de bien s'amuser chez eux. Ils se mettent en scène et se photographient dans des perspectives baroques, avec des objets ou de la nourriture qui voltigent, des regards hallucinés, des corps presque contorsionnés... Au-delà de cet aspect comique, les deux photographes interrogent autant qu'ils se réfèrent à l'abstraction géométrique, au Bauhaus et à la grande histoire de la photographie.
Au Centre d'Arts Plastiques de Saint-Fons, jusqu'au 31 octobre
Myriam Mechita
Née en 1974, vivant à Berlin, Myriam Mechita surprend par l'hétérogénéité des moyens plastiques qu'elle emploie, autant que par la diversité des formes qu'elle déploie. On verra à l'URDLA de grands dessins interrogeant les mystères du désir féminin, des sculptures entremêlant l'humain à l'animal, quelques vanités et parties du corps écorchées... L'artiste interroge avec une grande liberté les fondamentaux de l'existence (le désir, la mort, la violence) et se place ici son exposition sous le signe de Virginia Woolf. Elle a d'ailleurs illustré pour l'occasion un inédit de l'écrivain anglaise, Enfin, traduit par Jacques Aubert.
A l'URDLA, Villeurbanne, jusqu'au 15 novembre
Visite commentée de l'exposition samedi 5 octobre à 15h30
Edith Dekyndt
Poésie, minimalisme, épure... Telles sont les coordonnées artistiques du centre d'art La BF15. L'exposition Slow story de l'artiste belge Edith Dekyndt ouvre la programmation du lieu de manière emblématique avec trois œuvres : un grand tissu de feuilles d'argent qui noircira avec le temps, un bref extrait de film amateur (en boucle) montrant un pêcheur jetant son filet, un long aquarium contenant 120 litres d'eau de la Saône mélangée à un produit chimique régional, gélifiant peu à peu le contenu aqueux... Un éloge de la lenteur et du suspens.
A la BF15, jusqu'au 16 novembre
Portraits d'un hôpital au fil du temps
Alors que l'hôpital psychiatrique Le Vinatier est en train d'opérer sa mue architecturale et organisationnelle, une exposition photographique tente de retracer son évolution historique, depuis la fin du XIXe siècle. Côté positif : des images souvent intéressantes, présentées à la fois à la Ferme du Vinatier et en extérieur (ce qui permet de (re)découvrir ce lieu incroyable). Côté négatif : une absence d'explication des enjeux afférents aux mutations spatiales de la psychiatrie et un manque criant de représentation des patients au profit des différents personnels. La visite singulière de l'exposition organisée par le géographe Michel Lussault, grand théoricien des espaces contemporains, remédiera peut-être à ces défauts.
Au Centre Hospitalier Le Vinatier, jusqu'au 19 décembre
Visite avec Michel Lussault le 14 novembre à 18h30 dans le cadre du festival Mode d'emploi
Régis Gonzalez et Thomas Foucher
Découvert à Lyon à l'ancienne galerie Métropolis, le Stéphanois Régis Gonzalez (né en 1976) nous avait stupéfait par la morbidité et l'étrangeté de ses portraits d'enfants. Son œuvre demeure toujours aussi obscure mais s'est élargie aux motifs du corps, du masque, etc. On pourra voir ses œuvres récentes à la galerie Domi Nostrae, qui présentera ensuite un autre artiste de la région, Thomas Foucher. Travaillant dans des gammes de gris colorés, ce dernier cherche lui aussi à travers la représentation du corps une tension et une intranquillité qui ne laissent pas indifférent.
A la galerie Domi Nostrae, du 21 septembre au 26 octobre puis du 13 novembre au 4 janvier
Georges Rouault
Électron libre parmi les avant-gardes de son époque, Georges Rouault (1871-1958) a été formé à l'atelier de Gustave Moreau et s'est mis à la peinture après avoir réalisé des vitraux. Connu pour la puissance de son cerne noir et ses sujets spirituels, l'artiste est en réalité l'auteur d'une œuvre plus complexe, tant au niveau des médiums utilisés (gravure, aquarelle, encre...) que des motifs retenus. Le Musée de Fourvière tentera d'en donner un aperçu synthétique à travers une centaine d'œuvres.
Au Musée d'art religieux de Fourvière, du 2 octobre au 5 janvier 2014
Joseph Cornell
L'œuvre de Joseph Cornell (1903-1972) demeure assez méconnue du grand public. Le Musée des Beaux-Arts nous invite à la redécouvrir à travers ses liens privilégiés avec les surréalistes ou dadaïstes Marcel Duchamp, Man Ray, Salvador Dali... Ce sont en particulier certains collages de Max Ernst qui marquèrent beaucoup l'artiste américain, qui utilisa souvent ce procédé, mais aussi la "boîte artistique", le cinéma, la photographie... L'exposition rassemblera quelques 200 œuvres de Cornell et de ses illustres collègues, datant pour la plupart de la période 1930-1950.
Au Musée des Beaux-Arts, du 18 octobre au 10 février 2014
Georges Rousse
Intervenant dans des chantiers de BTP ou des friches, Georges Rousse (né en 1947) transforme des ruines en espace pictural dont le motif ou la représentation finale ne prendront forme et sens que sur ses grandes photographies. Un travail toujours aussi impressionnant et donnant à réfléchir sur notre rapport à l'espace comme au temps, l'écart entre l'imaginaire et le réel, la représentation par l'image... On aura la chance cette saison de découvrir deux expositions de l'artiste : d'abord à la galerie Mathieu puis au Plateau.
A la galerie Mathieu, du 7 novembre au 21 décembre, et au Plateau – Hôtel de Région, d'avril à juillet 2014
Bernard Plossu
Pour synthétiser son passionnant ouvrage Bulles, le philosophe Peter Sloterdijk écrit vouloir élever «les catégories de la relation, du contact, du vol suspendu dans une situation de cohabitation l'un dans l'autre, le fait d'être contenu dans un "entre" - et ne traiter les prétendues substances et les individus que comme des éléments ou des pôles dans une histoire du vol en suspension». Comment mieux résumer l'œuvre poétique, erratique et formidablement légère du vagabond de la photographie Bernard Plossu ? L'artiste présentera ses images récentes au Réverbère. On attend son exposition non pas de pied ferme mais le cœur léger et aérien.
Au Réverbère, du 18 janvier à fin avril 2014
Motopoétique
Alors que Plossu insufflera quelques bulles légères dans l'univers de l'image, le MAC, lui, mettra quelques cercles et roues dans l'art contemporain. Le critique d'art Paul Ardenne y présentera 200 œuvres (signées par 35 artistes : Olivier Mosset, Raphaël Zarka, Xavier Veilhan, Pierre et Gilles, Alain Bublex...) ayant un lien avec... la moto ! Celle-ci étant, selon Paul Ardenne, «paradigmatique du rapport que l'homme peut établir avec la machine». Assertion à vérifier, mais il est sûr que la moto reste plus classe que la trottinette Bobo et plus rapide que la roue de bicyclette de Marcel Duchamp.
Au Musée d'art contemporain, de février à avril 2014