Une semaine après Scarface, le Cinéma Lumière propose de redécouvrir son pendant tourné dix ans plus tard, L'Impasse, toujours avec De Palma derrière la caméra et Pacino devant. Plutôt que d'offrir une suite à leur film culte, les deux choisissent d'en faire l'inverse exact : Scarface était furieusement de son temps ? L'Impasse sera intemporel... Tony Montana était un idiot intégral, obsédé par la réussite et prêt à buter tout ce qui entraverait son ascension ? Carlo Brigante ne pensera qu'à se ranger, affichant tout du long une sagesse mélancolique face à un monde du crime qu'il méprise.
De Palma s'offre une rime visuelle entre les deux : une affiche publicitaire vantant un «Paradis» caricatural à base de lever de soleil, de plage et de palmiers. Dès la première scène de L'Impasse, où l'on voit Brigante agoniser sur une civière, on sait que ce paradis-là ne sera jamais atteint, et cette introduction en forme de requiem donnera sa tonalité tragique à une œuvre grave et amère. Ce qui ne change pas d'un film à l'autre, c'est la splendeur de la mise en scène de De Palma, que l'on n'a jamais vu aussi délesté de son maniérisme, aussi proche des émotions véhiculées par son sujet.
Quant à Pacino, il est bouleversant de sobriété ; ce n'est pas la première fois dans sa carrière — le magnifique Bobby Deerfield lui permettait déjà de jouer sur ce minimalisme habité — mais c'est particulièrement frappant ici, tant le cinéma de mafia a toujours permis aux acteurs de livrer des prestations extraverties. Mais L'Impasse n'est pas un film de gangsters comme les autres ; comme Casino de Scorsese, il s'inscrit dans une veine crépusculaire du genre, moins immédiate mais beaucoup plus profonde.
Christophe Chabert
L'Impasse
De Brian De Palma (1993, ÉU, 2h20) avec Al Pacino, Sean Penn...
Au Cinéma Lumière, du 9 au 12 novembre