À défaut de convaincre, le troisième film de l'écrivain Philippe Claudel intrigue. Ce drame où un chirurgien du cerveau, marié à une femme qui passe ses journées à jardiner dans une grande demeure qu'elle appelle judicieusement une «cage de verre», s'obsède peu à peu pour une jeune et belle inconnue aux multiples visages — serveuse, étudiante, putain — dont il ne sait trop si elle complote contre lui ou si elle est simplement folle amoureuse, prend parfois des allures de thriller hitchcockien.
Du point de vue de sa mise en scène, le film, justement, a de l'allure. Claudel a un vrai sens du plan qui fait sens, méticuleusement composé et éclairé, et il parvient à faire entrer de l'inquiétude et de la mélancolie dans son récit par la seule force de l'image. En revanche, son passé littéraire refait surface dans les dialogues, incroyablement démonstratifs et sentencieux, où l'on sent plus le discours de l'auteur que la parole des personnages. Tout cela manque cruellement de santé, et même le mystère qui sous-tend toute l'intrigue finit par être trop clairement élucidé dans le dernier acte.
Ce manque de quotidienneté, rien ne le souligne plus que le choix malheureux de Daniel Auteuil dans le rôle du médecin déboussolé, prenant conscience de la vacuité de son existence trop "parfaite". Auteuil a cette fâcheuse tendance à perdre toute fantaisie lorsqu'il se retrouve à jouer des personnages dramatiques, comme s'il informait en permanence le spectateur du genre de film qu'il était en train de regarder. Pléonasme vivant affirmant une subtilité que pourtant il contribue à ruiner, l'acteur n'est pas pour rien dans le léger parfum d'académisme qui finit par se dégager d'Avant l'hiver, alors qu'on sentait au départ une ambition réelle de s'éloigner des fictions télévisuelles de ce type de cinéma français.
Christophe Chabert
Avant l'hiver
De Philippe Claudel (Fr, 1h42) avec Daniel Auteuil, Kristin Scott-Thomas, Leïla Bekhti...