De Calin Peter Netzer (Roumanie, 1h52) avec Luminita Gheorghiu, Bogdan Dumitrache...
Les qualités et les défauts de Mère et fils, Ours d'or au dernier festival de Berlin, s'apprécient au regard des reprises et des écarts qu'il accomplit envers le nouveau cinéma roumain. Esthétiquement, il en offre presque une caricature, jouant sur des blocs de séquences dialoguées au cordeau, dans un réalisme poisseux et quotidien que capte une caméra un peu trop mouvante et agitée. En revanche, Calin Peter Netzer choisit de s'intéresser non pas aux déclassés du système (l'option Puiu / Mungiu), ou aux classes moyennes (l'option Muntean) mais à ses élites bourgeoises et corrompues.
L'intrigue, qui relève du fait divers lambda (une mère tente de protéger son fils, qui a tué un enfant dans un accident de voiture), met en scène des êtres particulièrement vils et sans scrupules, prêts à toutes les entorses envers la loi pour conserver leur rang. Même dans la sphère intime, leurs rapports sont marqués par le mépris des autres — la mère avec sa bonne, le fils avec sa compagne — et la force du film consiste, sans quitter une apparente neutralité — pas de musique, aucune distance réflexive — à nous faire sentir toute l'abjection dont ils sont capables.
Parfois, comme lors de la rencontre avec un témoin devenu maître chanteur (l'incroyable Vlad Ivanov, avorteur de 4 mois 3 semaines 2 jours et tueur muet de Snowpiercer), Netzer fait naître une tension impressionnante reposant sur cette escalade dans la veulerie ; à d'autres moments, cette façon de nous laisser en tête à tête avec des personnages confis dans leur bêtise, inexcusables et impossibles à aimer, s'avère plus étouffante que pertinente, comme si le film se complaisait dans un constat désespérant de noirceur sur la misère intellectuelle et morale des nantis roumains.
Christophe Chabert