A la croisée des mondes

10 ans du 6e continent

6e Continent

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Fondée au milieu des années 1990, l'association 6e Continent fête cette semaine les dix ans de l'espace qu'elle anime. L'occasion de retracer le parcours, semé d'embûches, de cette bande de potes de la Guillotière devenue l'un des principaux vecteurs de mixité culturelle et sociale de la ville. Benjamin Mialot

Dans le langage courant, l'expression "sixième continent" est sujette à bien des interprétations. Pour les plus formalistes, il s'agit de l'Antarctique, exclu de la famille pour cause d'inhospitalité. Pour d'autres, le terme désigne le Vortex de déchets du Pacifique nord, gigantesque amas de plastiques et de débris de bateaux dont la désagrégation "nourrit" jusqu'à l'empoisonnement des centaines de milliers d'oiseaux et mammifères marins. Enfin, depuis sa découverte à l'hiver 2013, ce serait un bout de terre préhistorique dont les secrets, enfouis sous l'océan Indien depuis le Jurrasique, pourraient nous en apprendre long sur les mécanismes tectoniques qui ont façonné la surface, fragmentée et disparate, de notre planète. C'est à cette troisième acception que l'association lyonnaise qui porte ce nom s'apparente le plus, elle qui, depuis sa fondation en 1995 et jusqu'à ce week-end, durant lequel elle célébrera avec force concerts les dix ans d'existence de son espace pluridisciplinaire (sis au 51 de la rue Saint-Michel, dans le septième arrondissement), dessinent loin des projecteurs les contours d'espaces d'échanges aux airs de berceaux de l'humanité.

Les copains d'abord

L'aventure débute donc au mitan des années 90 à la Guillotière, le quartier le plus cosmopolite de Lyon. Un statut pour le moins historique, puisque son fameux pont fut pendant une bonne partie du XIXe siècle l'unique moyen d'accéder à la ville depuis l'Est, faisant du quartier un territoire d'accueil privilégié pour les immigrés italiens, maghrébins ou asiatiques qui rallieront successivement la ville. A l'époque, Mohammed Sidrine, actuel directeur de l'association 6e Continent, est discothécaire en médiathèque. Il ne mène pour autant pas une vie rangée : sur son temps libre, il milite pour une meilleure visibilité des musiques dites du monde et, par extension, la reconnaissance de la diversité comme composante essentielle du vivre ensemble, notamment par l'entremise du défunt fanzine World Mag, qu'il édite avec une bande d'amis. C'est l'ouverture de la Biennale de la danse à l'Afrique puis au Brésil, et les retours contrastés qu'elle génèrera, qui vont leur donner l'envie de passer à l'étape supérieure : l'organisation d'un festival.

6e Continent voit le jour en 1997 au Pez Ner et déplace environ trois cents personnes. Un score honorable pour une première édition qui, en lieu et place du rock de pointe sur lequel la salle de Villeurbanne fait tant bien que mal son beurre, invite à écouter gratuitement du flamenco et de la musique marocaine. De là, l'événement n'aura de cesse de prendre de l'ampleur. Il devient pluridisciplinaire et thématique (la tradi-modernité, la culture tsigane, la scène locale...) en 2001, s'étend à Gerland l'année suivante, s'attire les significatives bien que maigres faveurs de la Ville, de la région et de la DRAC, s'ouvre au Sénégal, au Pakistan, à la Réunion, invite Alpha Blondy à souffler sa dixième bougie... Jusqu'à rassembler, sous sa forme actuelle (des animations à la Guillotière, une fête citoyenne, deux soirées de concerts, dont l'une explorant les liens entre musique électronique et musiques du monde, et un bal folk géant à Gerland) jusqu'à 15 000 personnes sur un même temps fort. Dans l'intervalle, l'association se professionnalise. Mohamed Sidrine en devient officiellement directeur en 2001, après s'en être éloigné le temps de décrocher un DESS en direction de projets culturels. Et commence à s'interroger sur la possibilité de pérenniser à l'année les activités de 6e Continent.

Quartier voisin

De cette réflexion naît en 2004 6e Continent, le lieu. Un vrai local alternatif, tags et meubles de récupération compris, régi par les mêmes principes d'exigence et d'accessibilité que le festival qui l'a précédé et installé à la Guillotière (avec toute la symbolique que cela suppose) dans un espace qui a déjà connu mille vies, de la fromagerie au bar. Un bar, on en trouve d'ailleurs un dans l'entrée. Il sert des bières chinoises comme des jus de fruits exotiques, et contribue au financement de nombreuses activités artistiques et citoyennes, de la pure diffusion scénique (une centaine de dates par an dont une, pour l'anecdote, d'un Vigon en pleine réhabilitation en 2012) à l'accompagnement administratif de nombre des musiciens qui tapent le bœuf chaque jeudi en passant par l'accueil d'associations étudiantes et de quartiers. C'est toutefois un autre service qui contribue à la majorité des 70% d'autofinancement de l'endroit (le festival affiche une balance inverse) : des cours de danse.
Leur succès est tel qu'il a même tendance à vampiriser l'énergie de l'équipe, composée de quatre équivalents temps plein (épaulés par une cinquantaine de bénévoles, contre le quadruple pour le festival). Un mal nécessaire, selon Mohamed Sidrine, qui concède, malgré une labellisation "Scène découverte" en2009, mener «un combat permanent pour travailler dans des conditions décentes» et se sent rétrospectivement aussi fier qu'essoufflé par le chemin parcouru. Et avoue carburer à l'utopie, celle-là même qui, depuis bientôt vingt ans, se confond avec son intime conviction que les rythmes gnawa, la chanson kabyle et les déhanchés de la salsa, entre autres composantes de l'anniversaire décennal qu'il s'apprête à célébrer, peuvent inverser la lente dérive vers le repli des territoires frontaliers du sien.

Les 10 ans du 6e Continent
Vendredi 31 janvier et mardi 1er février au 6e Continent

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