Vis ma vie

Edouard Louis

Librairie Passages

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C’est le roman de ce début d’année, au succès impressionnant : "En finir avec Eddy Bellegueule" du jeune Édouard Louis. Un récit à la première personne sur l’enfance douloureuse d’un garçon «efféminé» ne répondant pas aux codes sociaux de son milieu. Remarquable. Aurélien Martinez

«Dans ce monde où les valeurs masculines étaient érigées comme les plus importantes, ma mère disait d’elle "J’ai des couilles moi, je ne me laisse pas faire"». Ce monde, c’est un village picard jamais nommé. Un bout de France isolé où règne une misère sociale et intellectuelle, et où tout ce qui sort des rails préétablis est suspect. Le jeune Eddy Bellegueule est suspect, puisqu’il ne correspond pas aux codes de la masculinité imposante défendue par son père, ses frères, ses cousins, mais aussi sa mère, sa sœur... Bref, tous les hommes et toutes les femmes de son entourage. Eddy Bellegueule, c’est Édouard Louis, auteur qui a changé de nom en s’extirpant de la vie qu’on lui programmait – «l’intello» est depuis élève à l’École Normale Supérieure.

«Ces choses dérisoires pour un adulte»

En finir avec Eddy Bellegueule se lit vite. Et marque d’un coup, dès les premières pages, où le jeune Eddy se fait agresser sans broncher par deux garçons qui le traitent de «pédé». Une violence quotidienne qu’il taira pendant toute son enfance, préférant encaisser les coups plutôt que d’avoir à justifier les raisons qui amènent ses agresseurs – et globalement tout son environnement, proches inclus – à penser de la sorte. La force du texte est de retranscrire de façon brute cette hiérarchie de valeur, cette norme de genre qui régit toute une société. Il y a une vision bourdieusienne chez Édouard Louis - il a d'ailleurs écrit un livre sur Bourdieu -, les habitants reproduisant bêtement des normes qu’ils jugent naturelles mais qui sont on ne peut plus culturelles, comme le démontre le jeune auteur (21 ans) lorsqu’il les compare à celles de sa nouvelle vie.

Mais ces excuses sociologiques n’empêchent pas la charge d’être rude, en premier lieu contre la famille Bellegueule – qui a d’ailleurs été interrogée par des journalistes et explique ne pas comprendre, se sentir blessée. Une charge atténuée par quelques moments de tendresse, comme quand le père emmène le fils à la gare pour qu’il passe le concours du lycée qu’il vise, loin du village, et lui donne alors vingt euros : «Tu dépenses tout ce midi, tu ramènes rien du tout, je veux pas que tu sois autrement que les autres». Un récit puissant qui retranscrit avec force la violence de « ces choses dérisoires pour un adulte qui marquent un enfant pour longtemps».

Edouard Louis
A la librairie Passages, mercredi 19 février
En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil)

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