De Palma et les fantômes de Faust et d'Hitchcock

Phantom of the Paradise
de Brian De Palma (1975, EU, 1h32) avec Paul Williams, William Finley...

Avec "Phantom of the paradise", cette semaine au Comœdia, Brian De Palma réinventait en plein Nouvel Hollywood la comédie musicale rock, passée au prisme des films d’horreur, du queer et de son maître Hitchcock. Christophe Chabert

Alors que le piteux Passion sonnait comme un chant du cygne pour Brian De Palma, son œuvre passée n’en finit plus de ressurgir sur les écrans : après Blow out, Pulsions, Scarface et même Les Incorruptibles, c’est Phantom of the paradise qui a droit à une copie restaurée numériquement. Celui qui fut longtemps le moins fréquentable des réalisateurs nés du Nouvel Hollywood a conquis une étiquette de "classique" plutôt amusante quand on juge l’impureté des œuvres qu’il tournait à l’époque, empruntant à Hitchcock et Antonioni, mais aussi aux séries B horrifiques et au giallo italien ou, comme ici, à la comédie musicale.

Dans Phantom of the Paradise, De Palma entonne déjà un chant du «cygne», du nom du producteur maléfique Swan, croisement entre Phil Spector et Elton John, incarnation à la fois du côté obscur du music business et d’une culture queer alors naissante — on nous glisse que le personnage s’inspire surtout de Claude François et de sa manière très personnelle "d’auditionner" ses Claudettes… Swan va voler sa musique à un compositeur-interprète au cœur pur, Winslow, en l’envoyant à Sing-Sing (jeu de mots), puis en lui broyant le visage dans une presse à vinyle. Devenu monstrueux, il revient casqué et vengeur pour accomplir sa symphonie, sans savoir qu’il ne fait qu’aboutir le plan diabolique de Swan…

Sans Faust notes

Ceux qui ont vu, sur nos conseils, le formidable documentaire Twenty feet from stardom, savent que ce genre de pratiques était monnaie courante dans l’industrie musicale des années 60-70. Pour De Palma, au-delà de tout réalisme ou crédibilité, il s’agit de revisiter le mythe de Faust en faisant de l’âme une partition et de l’éternelle jeunesse une voix rendue à sa beauté originelle par un système sophistiqué de synthétiseurs — à l’époque, pas d’Autotune disponible, ni de Daft punk couronné de Grammy Awards…

Surtout, le cinéaste en profite pour expérimenter encore et toujours des variantes hallucinées autour d’Hitchcock, d’une scène de la douche qui se conclut non par des coups de couteaux mais par un coup de ventouse, où cette bombe dans une voiture dont le suspense autour de l’explosion renvoie à Sabotage, même si De Palma la met en scène avec un effet d’écrans partagés purement contemporain. Ce jeu de références ne nuit en rien au plaisir immédiat ressenti face à Phantom of the Paradise, dont même les chansons n’ont pas pris une ride — ou alors c’est la nostalgie qui a bien fait son boulot…

Phantom of the paradise
De Brian De Palma (1974, ÉU, 1h32) avec Paul Williams, William Finley…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mercredi 13 février 2019 Si Brian De Palma ne sera pas présent (ce soir-là…) en chair et en os à l’Institut Lumière, deux de ses films y seront projetés lors d’une double séance, histoire (...)
Mercredi 1 juin 2016 Savant fou, roi et bouffon du garage psyché, Ty Segall est l'une des "choses" les plus talentueuses et les plus folles à s'être essayé ces dernières années à faire tout et n'importe quoi. Quittant son air bonhomme de blond californien pour se...
Mardi 2 septembre 2014 La rentrée cinéma, c’est aussi celle du cinéma de patrimoine. Et il y en a partout : à l’Institut Lumière, chez UGC, dans les salles du GRAC… Du rare, du classique, des incontournables : que du bon ! Christophe Chabert
Mardi 17 juin 2014 La redécouverte en pièces détachées de l’œuvre de Brian De Palma continue et on a bon espoir qu’un jour tous ces morceaux se rassemblent en une belle (...)
Jeudi 31 octobre 2013 Une semaine après Scarface, le Cinéma Lumière propose de redécouvrir son pendant tourné dix ans plus tard, L’Impasse, toujours avec De Palma derrière la caméra et (...)
Vendredi 25 octobre 2013 En 1983, les utopies politiques des années 70 sont déjà loin ; la rutilance reaganienne et le mauvais goût triomphant s’installent durablement en Amérique. (...)
Jeudi 7 mars 2013 Alors que son piteux Passion s’éteint lentement sur les écrans, Jean Douchet se charge de rallumer la flamme Brian De Palma avec son stage annuel à (...)
Vendredi 15 février 2013 Vaine tentative de Brian De Palma pour réactiver les fondamentaux de son cinéma, ce remake de "Crime d’amour" se traîne entre esthétique de feuilleton télé teuton et autoparodie sans queue ni tête. Catastrophe ! Christophe Chabert
Mercredi 13 février 2008 de Brian de Palma (ÉU, 1h30) avec Izzy Diaz, Daniel Stewart Sherman...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X