Pour assumer le buzz bourdonné par Erotic Market ces derniers mois, il fallait au minimum un album bien branlé. C'est encore mieux puisque "Blahblahrians" donne carrément envie de se foutre à poil et de faire le sexe avec ses amis, Dame Nature ou même un parcmètre pour une grande partouze post-apocalyptique. Stéphane Duchêne
A l'heure où le "bla bla" (ou "blah blah" en anglais, magie de la traduction) est devenu un sport de combat, Erotic Market a été bien inspiré d'intituler son très attendu Blahblahrians (en rayon le 28 avril), contraction, on l'aura compris sans être sémiologue, de «blah blah» et de «barbarians». Bref un bien beau barbarisme au service d'une musique du passage à l'acte un rien vandale. Le duo constitué de Lucas Garnier et Marine Pellegrini avait déjà passablement retourné la moquette et repeint les murs du paysage musical façon bordel aux reliefs ondulants avec la rampe de lancement Rumblin'. De live habités en tremplins souvent gravis haut la main en passant par des articles suscitant une curiosité toujours plus large – dans le Guardian récemment – la carrière du groupe n'aura été jusqu'ici qu'un buzz de plus en plus assourdissant dont le climax aura sans doute été la censure de son dernier clip – on y voyait des gens faire le sexe. Blahblahrians arrive donc à point nommé pour asseoir, ou disons coucher, un peu les choses.
Injonction contradictoire
Il y a cette phrase d'une grande philosophe libano-colombienne qui dit : «hips don't lie», «les hanches ne mentent pas». Eh bien Blahblahrians est le plus parfait témoignage musical de la vérité suivante : ses hanches, la Barbarella maison Marine Pellegrini les porte dans la voix – n'essayez pas de vous représenter ou de reproduire la scène, c'est une image, vous allez vous faire mal – dans le groove que sa langue fait claquer comme un fouet, dans cette voix/flow qui semble capable de toutes les modulations, de tous les habillages et déshabillages – on a pu le constater par ailleurs – tandis que Lucas pose à coups de basse tellurique les bases d'une post-apocalypse pop qui rend l'ensemble non seulement inhabitable mais aussi proprement inqualifiable.
Réchauffement de cold wave ? Trip(es) hop ? UK Garage ? R'n'b au radium ? Oui, un peu de chaque, d'un morceau à l'autre, si on a le nez collé au tableau. Mais si on recule de quelques pas pour avoir une vue d'ensemble on ne sait plus vraiment où l'on est, qui est qui, où est quoi. Il paraît que ça fait le même effet dans une partouze géante quand chaque individu se dilue dans une sorte de monstre multifacettes et multifessiers. Erotic Market est un plaisir coupable, très coupable, qui semble mettre en son le principe même d'injonction contradictoire. Et Blahblahrians un aspirateur à mauvaises pensées qui après chaque écoute donne envie d'aller se "con-fesser". Ou quelque chose dans ce goût-là.
Erotic Market
Au Sucre, jeudi 17 avril
Blahblahrians (Jarring Effects), sortie le 28 avril.