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Noé
De Darren Aronofsky (ÉU, 2h18) avec Russell Crowe, Jennifer Connelly...
Sauf le respect qu’on doit à Darren Aronofsky, ses débuts dans le blockbuster à gros budget relèvent du naufrage intégral, et cette libre relecture du mythe biblique est aussi lourdingue que formatée, kitsch et ennuyeuse… Christophe Chabert
Qui était Noé selon Darren Aronofsky ? Un fanatique écolo, illuminé par l’annonce d’un désastre et la damnation d’une humanité corrompue, entouré par des anges envoyés par Dieu et incarnés en géants de pierre aux yeux phosphorescents. Ce résumé lapidaire de la première heure — interminable — de Noé résume dans le fond le formatage auquel est soumis ce blockbuster : un peu d’air du temps, un peu de messianisme divin — quand va-t-on nous foutre la paix avec ces stupides histoires de religion et quand passera-t-on au XXIe siècle dans cet occident que l’on dit éclairé et que l’on trouve de plus en plus obscurantiste ? — et un peu d’héroïc fantasy. Comme liant, un sérieux papal dans des dialogues qui calquent grossièrement ceux de n’importe quel serial historique actuel — Game of thrones, pour ne pas le citer.
Face à ce gros foutoir en forme de kouglof indigeste et laborieux, on attend, comme dans l’expression consacrée, le déluge, car tout Aronofsky qu’il soit, c’est bien ce qu’on demande à un cinéaste qui engloutit plus de cent millions de dollars dans un film sur l’arche de Noé : filmer ce putain de déluge, même si celui-ci n’est que l’addition d’effets numériques dont le réalisme est évidemment discutable. Quand la scène se produit, à plus de la moitié du métrage, précédée d’une attaque façon Seigneur des anneaux qui n’est que la répétition friquée des instants médiévaux avec les conquistadors dans The Fountain, un tout petit frisson passe. Mais moins grand que lors des séquences similaires dans le pourtant moyen Jour d’après d’Emmerich. En gros, Aronofsky, en plus de rater le propos – débile — et la forme — laide à pleurer — du film, rate aussi ses instants de sidération visuelle.
Naufrage
Il y a sans doute un malentendu envers le cinéaste qui explique la débâcle. Ce malentendu, pour une fois, ne vient ni du public, ni de la critique, mais d’Aronofsky lui-même, qui semble se considérer comme un grand artiste à l’imaginaire débridé, là où ses films les plus convaincants s’inscrivent au contraire dans un certain réalisme, même quand celui-ci est progressivement contaminé par la folie. Les split-screens musicaux de Requiem for a dream ou la schizophrénie de la danseuse dans Black swan ne sont que des éclairs visuels et fantastiques dans des œuvres au demeurant marquée par la tristesse et la grisaille de la vie urbaine contemporaine.
Surtout, Aronofsky n’est jamais aussi bon que lorsqu’il place un personnage et l’acteur qui l’incarne comme pivots de ses films ; rien de tout ça dans Noé. Certes, le cinéaste tente de transformer Russell Crowe en bloc de certitudes que rien ne vient infléchir dans sa détermination à accomplir sa mission ; mais en lui inventant une famille — femme, père, enfants naturels ou adoptés — et un antagoniste, il dilue son regard dans une série de clichés qui renvoient au formatage ambiant. En lieu et place du portrait de Noé en illuminé prêt à sacrifier l’humanité toute entière pour préserver la création divine, il préfère montrer un héros aux valeurs traditionnelles, bien à l’image d’un film qui fait semblant de prendre des risques et n’étale en fin de compte que son impuissance à être autre chose qu’un blockbuster dispendieux de plus.
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