A travers une quarantaine d'images, l'exposition Georges Rousse donne un très bel aperçu d'une œuvre singulière, transformant artisanalement des espaces pour obtenir des photographies mêlant abstraction, poésie et utopie.Jean-Emmanuel Denave
Cercles, disques, carrés, grilles, étoiles... Les motifs de couleur de Georges Rousse s'inscrivent dans des espaces éphémères, invitant et réinventant la peinture abstraite parmi des lieux à l'abandon. Le photographe réunit ainsi Malevitch ou Kandinsky avec l'esthétique des ruines, l'anamorphose et le trompe-l'œil, ou encore la peinture, l'installation-sculpture et la photographie. Chaque image exige une semaine de travail durant laquelle Georges Rousse redécoupe, repeint, redessine les perspectives d'un lieu pour obtenir, suspendue, une apparition géométrique virtuelle sur le papier photographique. «J'ai été confronté à des lieux quelconques, sans qualité architecturale particulière, lisses, presque sans matière, souvent immenses. La transformation devait alors suggérer un collage d'espaces antinomiques, parfois incongrus, rassemblés en une seule et unique image. Il s'agissait pour moi de faire surgir dans cette image une structure rendue virtuelle par sa forme, sa couleur ou sa matière» écrit Georges Rousse. De son premier travail à Villeurbanne en 1982 à ses très récentes interventions dans un bidonville de Mumbai, ou ailleurs aux quatre coins du monde, le photographe rêve des espaces, met sous tension abstraction et réalité concrète.
In situ
L'accrochage de son exposition au Plateau joue avec l'architecture grandiloquente de l'Hôtel de région, dans une sorte de mise en abyme des photographies et de l'espace qui les accueille. Il rassemble une quarantaine d'images et joue aussi la carte de la pédagogie avec un exemple d'espace reconstitué et deux films vidéo documentant le processus de travail de l'artiste. On verra encore quelques dessins préparatoires, première étape à la rêverie et à l'utopie plastique. Auparavant, en grand marcheur, Georges Rousse aura sillonné une ville, des quartiers, des bâtiments, choisissant parfois de se perdre dans une mine de charbon de la Ruhr, d'intervenir dans d'anciennes prisons lyonnaises ou au sein d'un théâtre détruit par le feu. La symbolique des couleurs ou des formes, l'image elle-même, résonne souvent avec l'histoire de l'espace où elle a été réalisée. Le superbe carré bleu photographié dans une cellule de la prison Saint-Paul à Lyon évoque ainsi le petit bout de ciel du prisonnier, seule vision possible pour celui qui, en plus de liberté, est privé de perceptions. «Les photos réalisées sont différentes d'un pays à l'autre, elles se nourrissent d'un quotidien que je côtoie et que j'observe». Comme souvent, l'absence de figure humaine dans une œuvre abstraite n'est pas ici synonyme d'absence de sensibilité, de signification, de poésie.
Georges Rousse
Au Plateau, Hôtel de Région, jusqu'au samedi 26 juillet