Hasard du calendrier, deuxième épisode. Début avril, alors que les Conti se retrouvaient à plaider une énième fois leur cause devant la justice, Dargaud publiait une BD retraçant une lutte ouvrière qui défraya la chronique près de quatre décennies avant la leur, celle des Lip. Lip, du nom d'une manufacture horlogère bisontine centenaire dont les actionnaires voulurent sceller la fermeture à l'été 1973. Suivront près de trois ans d'un conflit tonitruant au terme duquel le patronat, bien que parvenu à ses fins, sera le grand perdant sur le plan de la dignité.
Cette grande histoire, Laurent Galandon, qu'on connaissait jusqu'ici pour des mièvreries mémorielles à hauteur de môme (L'Envolée sauvage sur la Seconde Guerre mondiale, Les Innocents coupables sur les bagnes d'enfants) et le dessinateur Damien Vidal ont choisi de raconter en la confrontant à la petite, en l'occurrence celle de l'émancipation féminine, incarnée par Solange, épouse soumise qui redécouvre le désir et s'ouvre à la politique au contact d'un leader charismatique.
Le résultat, qui doit évidemment beaucoup à Lip, l'imagination au pouvoir, le formidable documentaire que Christian Rouaud a tiré en 2007 de ce sale épisode de la présidence pompidolienne, est un exposé militant aussi sobre qu'instructif – en particulier l'épisode où, au cri de «On fabrique, on vend, on se paie», les grévistes mettent en place un système d'autogestion fonctionnel – que pourrait l'être une adaptation d'Un homme est mort d'Étienne Davodeau par Robert Guédiguian.
Benjamin Mialot
Damien Vidal
A la librairie La BD, vendredi 16 mai
Lip, des héros ordinaires (Dargaud)