La cool altitude

Disons le d'entrée, De La Montagne est un groupe unique au monde. Au moins pour une chose : sa leader, l'atomique Camille Bouvot-Duval, est sans aucun doute la seule musicienne au monde à avoir eu sa trombine – en pleine séance de crowdsurfing – placardée en très grand dans le métro new-yorkais ET à s'être vue consacrer un sujet dans... Télématin. Drôle de combo que la fondatrice de De La Montagne a dû un peu au hasard et beaucoup à sa participation à la Red Bull Music Academy l'an dernier. Une "académie" initiée, on l'aura compris, par la célèbre marque de boisson énergisante, investie dans une politique de mécénat-communication absolument tentaculaire (musique donc, avec aussi plusieurs studios dans le monde, deux clubs de football, deux écuries de F1, du sponsoring de sportifs, d'artistes et d'événements par dizaine dont le saut stratosphérique de Felix Baumgartner...).

Partie au Canada à la fin de ses études aux Beaux-Arts de Lyon et en quête de "résidences", Camille entend parler de la RBMA et tente sa chance : 5000 candidatures, 60 élus pour «deux semaines tous frais payés à New York (en 2014)». Avec ateliers, studio d'enregistrements et intervenants trois étoiles : Debbie Harry, Giorgio Moroder, James Murphy de LCD Soundsystem.

Make it happen

Quand elle revient à Lyon à la fin de l'été dernier, Camille retrouve sa moitié musicale. Car si, au départ, De La Montagne est le terrain de sa loop station, de sa guitare – immense dans ses petits bras – et la prolongation d'expérimentations entamées aux Beaux-Arts autour du concept de boucle, bien vite une collaboration commence avec un autre étudiant en art, Alto Clark, passé d'une jeunesse punk à l'exploration électronique.

L'évidence se charge de transformer la rencontre en duo, momentanément séparé géographiquement mais aux fructueuses retrouvailles : nourri des expériences américaines de Camille et de celles, plus locales, d'Alto, le duo se lance directement dans la conception d'un nouvel EP : «La différence c'est qu'on a pu, grâce au soutien de Red Bull, faire un mixage dans un studio et donner une sonorité plus fracassante à notre musique».
 

Plus qu'un EP, Make it happen – agglomérat effectivement fracassant de tubes d'électro-pop tropicale et chair à remixes en puissance – est, aux dires de Camille, «un objet à part entière», fruit d'une conception de la musique comme «une prolongation de l'art plastique, une manière de se positionner par rapport au monde. Au lieu de créer une sculpture, on crée une chanson qui va exister de manière autonome».

En témoigne le soin que met le duo à travailler son univers graphique et ses clips avec, notamment, la «best friend» de Camille, Roxane Gaucherand, jeune réalisatrice probablement travaillée par les univers de Gregg Araki et Diablo Cody. On lui doit le clip de Girls, ce cupcake pop qui a quelque peu secoué l'an dernier le cocotier de la hype et fait grimper en flèche la cote du duo : «Le "succès" de Girls doit beaucoup au clip de Roxanne, ça a été un vrai plaisir de partager cela avec elle. J'étais contente que les problématiques qu'elle travaille dans cette vidéo puissent rejoindre celles de la chanson».
 

«Ellen Page, quoi !»

Ces problématiques ? L'amour entre filles, tout simplement, assumé mais jamais porté en étendard. Face à la question de son positionnement intime sur cette question, Camille répond d'abord dans un grand éclat de rire par un sibyllin : «ben, Ellen Page quoi!» – référence au récent coming out à la coule de la comédienne canadienne. Puis : «Mes chansons parlent de nous et nos copains. On utilise nos vrais désirs et émotions tels quels, sans grands discours, sans vouloir embarquer tout le monde. L'homosexualité n'est pas un concept comme le pensent des gens comme Boutin ou Frigide Barjot, ça fait juste partie de la vie, c'est ce que j'écris dans mes chansons, mes histoires», conclut-elle avant qu'Alto n'ajoute : «Bon, on nous a quand même demandé si ce clip était un coup marketing».

Sauf que ce n'est guère le genre de la maison : «on a une certaine ambition pour nos morceaux, nuance Camille, mais pas dans le sens où on cherche le succès et les dollars. On veut juste pouvoir créer un objet atypique et durer, faire des collaborations, jouer dans d'autres pays, faire des expériences. Peut-être qu'on a eu un gros highlight sur Girls, et qu'on l'aura moins sur d'autres choses». «Finalement la pression est plus portée sur le fait de produire quelque chose dont on soit fier» complète Alto.

Quid alors d'un album ? Pour l'instant le duo, qui fait tout tout seul, à grands renforts de café noir, de nuits blanches et d'un enthousiasme indéfectible et franchement attachant, cherche surtout un label et une équipe pour le représenter. Pour pouvoir se concentrer sur l'artistique, la conception. Mais Camille fait comprendre à sa manière, en riant comme souvent, que question conception, elle n'est pas pressée : «On vient juste de sortir un EP. C'est comme demander à une femme enceinte qui vient d'accoucher : «Le deuxième, c'est pour quand ?» Hé, je viens juste de finir le travail, je suis encore en pleine rééducation du périnée».
 

De La Montagne
A l'ancien Marché de gros
Mercredi 28 mai