L'Espace d'arts plastiques de Vénissieux accueille la plasticienne belge Aline Bouvy et ses œuvres explorant les contradictions et les paradoxes du désir.Jean-Emmanuel Denave
Une main approche d'un pénis pour le caresser ou s'en saisir. A travers cette grande photographie, Aline Bouvy (née en 1974 en Belgique) nous donne une image possible du désir. Mais, en regardant plus attentivement, on s'aperçoit que le désir lui-même est mû, attisé, par une image : la main (un moulage de celle de l'artiste) qui semble approcher le pénis (une sculpture), s'approche en réalité d'une représentation plane, d'une image de cette sculpture. Dans le domaine du désir, les frontières se brouillent, les contraires ne se contredisent plus forcément et le réel danse avec l'imaginaire. Faut-il alors une loi pour mettre un peu d'ordre dans ce capharnaüm ambigu de l'érotisme qui rend dur le mou, entraîne la vie jusque dans la mort (selon la formule de Georges Bataille), fabrique des caresses avec des fantasmes ? C'est ce que semble suggérer Aline Bouvy dans une autre œuvre, une vidéo projetée à l'abri d'une grande "cabane" de parpaings construite pour l'occasion.
L'intime en orbite
Dans cette vidéo, on voit et on entend un scientifique discourir sur la gestion des déchets spatiaux (vieux satellites abandonnés, fragments de fusées, débris divers...) qui tournent en orbite autour de la Terre. L'homme trace des équations sur un cahier : les poubelles de l'espace sont donc "traitées" par des formules mathématiques ! En montage parallèle, on découvre un couple dans l'intimité de sa chambre à coucher se livrant à d'étranges figures hiératiques : les corps s'approchent, se touchent, se caressent selon des poses symboliques, un code inconnu. La lumière des images est très blanche, et c'est donc comme sur une page que s'écrivent ces mathématiques du désir. L'intime humain rejoint l'extime, l'abstraction des corps sexués celle des corps célestes. Aline Bouvy joue ici des extrêmes et des paradoxes, comme ailleurs, dans d'autres pièces, elle marie désir et répulsion : des sculptures d'anguilles mortes pendouillent, par exemple, de plaques de plexiglas déformées, gondolées, hystérisées. Un peu plus froides, élégantes et énigmatiques que celles, crues et directes, qu'on lui connaissait jusqu'ici - on pense notamment à ces dessins où Aline Bouvy fait sortir des phallus ou des excréments de la bouche de figures féminines - ces oeuvres composent une exposition un tantinet cérébrale. Elle parvient néanmoins à bousculer les perceptions et les idées du visiteur.
Aline Bouvy
A l'Espace arts plastiques Madeleine Lambert, Vénissieux, jusqu'au samedi 5 juillet