Indie Songs

Pixies

Théâtres romains de Fourvière

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

En tournée commémorative depuis maintenant dix ans, les Pixies viennent de livrer "Indie Cindy", leur premier album depuis 1991. A l'occasion du concert événement de ces dieux de l'indie-rock aux Nuits de Fourvière, retour sur une carrière aussi géniale que chaotique en sept chansons. Pourquoi sept ? Parce que selon la numérologie maison, «if man is 5, then the devil is 6, and God is 7». Stéphane Duchêne

Caribou (Come on Pilgrim, 1987)

Le titre ouvrant la carrière des Pixies. Formé par Charles Thompson IV – rebaptisé Black Francis, en hommage au prénom que son père entendait donner à un éventuel deuxième fils qu'il n'a jamais eu – et Joey Santiago (des Philippines), le quatuor est complété par Kim Deal – seule candidate à l'annonce « cherche bassiste aimant Hüsker Dü et Peter, Paul & Mary» – et le batteur David Lovering. Maquettes à peine écoutées, le label anglais 4AD les signe pour un premier (mini) album, Come on Pilgrim. Le quatuor, mené par le rageux rondouillard à la voix de chewing-gum, invente un style, le "loud-quiet-loud", une sorte de rock Milky Way – craquant à l'extérieur, fondant à l'intérieur – qui mêle surf rock, harmonies vocales et embardées punk sur des textes empreints de spiritualité déviante (Caribou, une histoire de réincarnation, Levitate Me, Nimrod's Son). Black, également fan d'ufologie, a grandi dans un foyer pentecôtiste croyant à la glossolalie. Mélange d'anglais, d'espagnol, de cris de cochon, de chants célestes, d'écriture automatique et de "courant de conscience", Pixies est sa réponse à cette croyance. Sa manière d'être possédé.

Gigantic (Surfer Rosa, 1988)

Sans doute, comme on dit en sport, le signature move de Kim Deal, symbole d'une complémentarité prometteuse avec Black, qui goûte pourtant peu l'amour des fans pour ce titre. Figurant sur Surfer Rosa, deuxième album produit au papier de verre par Steve Albini, et réenregistré en une version single plus ronde, Gigantic conte la fascination d'une femme mariée pour un jeune homme noir, ses attributs («gigantic, a big, big love», on ne vous fait pas de dessin) et la manière qu'il a de s'en servir avec sa bonne amie. Ironiquement, Deal prend pour nom de plume son nom d'épouse, Mrs John Murphy. Aux dernières nouvelles, Kim Deal ayant désormais définitivement quitté le navire Pixies, Gigantic n'est logiquement plus joué en concert.

Monkey gone to Heaven (Doolittle, 1989)

Premier single de Doolittle – le chef d'oeuvre pixien Monkey Gone to Heaven innove en ce que les Pixies ont pour la première fois recours à des cordes. Musicalement, le groupe franchit clairement un cap. En terme d'écriture également. Toujours imprégné de la même approche apocalyptique et sanglante de la Bible, Francis donne sa version du désastre écologique causant la chute de Dieu – à travers le trou dans la couche d'ozone –, l'extinction de l'homme et l'avènement du singe – clin d'oeil à Pierre Boule ? Le singe est au paradis et les Pixies si haut qu'ils pourraient se brûler les ailes. Sur une autre pièce maîtresse de Doolittle, le très surf et infiniment cryptique Here Comes Your Man, au «There's a wait so long / You'll never wait so long» ânonné par Black, qu'on pourrait prendre comme une impatience à atteindre le sommet, répond en écho le «so long, so long» de Kim Deal, suggérant, selon l'expression anglophone consacrée, comme l'idée d'un au revoir. Déjà.

Velouria (Bossa Nova, 1990)

Avec l'album Bossa Nova, et après une pause d'un an, Black Francis entend toucher le jackpot. Il veut être U2 et non plus seulement un pourvoyeur de vocations. Et si possible ne pas se faire doubler par la jeunesse échevelée à carreaux qui le pousse au cul. Plus pop, ce quatrième album des Pixies est clairement destiné à proposer la botte à une gloire plus massive. Mais entre tubes power-pop (Allison) et jolies ballades (Ana, Havalina) l'ensemble manque bizarrement d'audace. Reste le single Velouria, étrange histoire d'amour avec une créature lémurienne venue d'un continent perdu comme seul Black peut en écrire. Sans oublier l'hypnotique The Happening, dont le final psalmodié et asphyxiant marque l'un des derniers moments soufflants de Pixies que l'on sent essoufflés.

Motorway to Roswell (Trompe le monde, 1991)

Dernier coup de volant avant le crash, l'ultime effort "collectif" est baptisé Trompe le monde. Et pour cause : il marque davantage une prise de pouvoir définitive de Black sur le groupe, Kim Deal n'ayant de toute façon la tête qu'à ses Breeders. Comme un symbole, Trompe le monde est tout en force et en muscles mais sans le tranchant des premiers albums. Entre retour aux sources (U-Mass, où Francis et Santiago se souviennent de leurs années de fac, la reprise d'Head On de Jesus & Mary Chain) et obsessions ufologiques de Black, c'est aussi un disque très personnel. Comment ne pas voir en effet dans les paroles de Motorway to Roswell autre chose qu'une simple histoire de crash alien ? L'autoportrait d'un groupe OVNI en péril, quand Francis scande : «and now we wonder / how could this so great / turn so shitty» puis répète «he started heading for the motorway and he came down». Aveu d'un groupe qui n'a pas su gérer l'après-ascension et se séparera dans la foulée.

Where's My Mind? (BO de Fight Club ; 1999)

Sorti initialement sur Doolittle,  dont il était l'un des nombreux piliers, c'est la réédition en single deDebaser, hommage au Chien Andalou de Bunuel («I am oune chien andaloucia» beugle Black, tandis que le choeur de Deal adoucit les mœurs), qui marque le premier "retour" des Pixies – en fait une compilation pour le dixième anniversaire de leur création. Deux ans plus tard, c'est un autre titre mythique des Pixies (époque Surfer Rosa) qui refait surface, de loin l'un des grands tubes rock de ces trente dernières années, mais jamais sorti en single. Et puis il y a eu cette scène de Fight Club : Edward Norton a un trou dans la tête et promet à Helena Bonham-Carter que «tout va aller maintenant». Where's My Mind? démarre et, de l'autre côté de la baie vitrée, le monde s'écroule dans une incroyable vision d'apocalypse pré-11 septembre. D'une certaine façon plus rien ne sera jamais comme avant et la génération Fight Club continue de se répéter «Your head will collapse / If there's nothing in it / And you'll ask yourself / Where is my mind ?». Tandis que Norton conclut «Tu m'as rencontré à un moment étrange de mon existence». Une quasi définition de l'ère pixienne, auxquelles les fans et le groupe envisagent alors très sérieusement de donner une seconde vie.

Bam Thwok, 2004

En 2004, les Pixies (i.e. Black et Deal) sont réconciliés et remontent sur scène. Black ne cachera jamais que l'appât du gain a joué. S'agissant surtout de donner, sans grand enthousiasme, des concerts aux quatre coins du monde en livrant au public ce qu'il attend – un voyage dans le temps –, pas question pour autant de se remettre à l'écriture dans l'immédiat. Exception fait de Bam Thwok, alors disponible uniquement sur le Net et retoqué pour la BO de... Shrek. Comme un symbole, le titre très girl-power-pop-indie 90's au refrain  cartoonesque – «Love, Bang, Crash, Wakka, Wakka, Bam Thwok» – est signé Kim Deal. On n'appellerait pas ça du Pixies pur jus, mais au moins, le temps d'un titre, le groupe a à nouveau vingt ans. Une décennie plus tard, Kim Deal à peine partie, les Pixies livrent en 2014 un sixième album – compilation de trois EP sortis en quelques mois – qu'à vrai dire plus personne n'attend. Et auquel pas grand monde ne prête attention. L'ensemble, loin d'être aussi mauvais que ne le crient les puristes – une poignée de titres fait la blague, comme le beau Greens & Blues – ne donne pas non plus envie de se jeter contre les murs – l'ensemble pèse une tonne. Comme on n'a plus l'âge, on se contentera d'écouter les anciens albums, colonne vertébrale des prestations live des bostoniens, tout en pleurant l'absence de Kim Deal.

Pixies [+ The Pastels]
Au Théâtre antique de Fourvière, mercredi 2 juillet

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