De Pascal Rabaté (Fr, 1h30) avec Sami Bouajila, Isabelle Carré, Daniel Prévost...
Il aura fallu trois films pour que l'auteur de BD Pascal Rabaté réussisse sa mue de cinéaste, c'est-à-dire qu'il sorte d'un cinéma de la vignette pour développer une réelle dynamique de mise en scène où l'invention graphique se met au service de son récit et de ses personnages. Ce qui, dans Les Petits ruisseaux et Ni à vendre, ni à louer, semblait figé et nostalgique, devient dans Du goudron et des plumes vivant et très actuel. Christian, commercial divorcé aux combines peu reluisantes, perd son boulot et l'estime de sa fille, mais gagne le cœur d'une jeune femme, elle aussi mère célibataire. Ne reste plus qu'à accomplir l'exploit qui va le faire sortir de son rôle de gentil poissard : ce sera le Triathlon de l'été, sorte de mini-Intervilles local télédiffusé, compétition dans laquelle il va s'investir corps et âme.
Rabaté en fait une sorte d'anti-héros français d'aujourd'hui, métissé et râleur, qui se fond dans le décor intemporel d'un Montauban fait de pavillons anonymes, de ronds-points, de boîtes de nuit tristes et de salles de sport municipales... Maniant le gag visuel et sonore avec une minutie à la Tati, cherchant dans le quotidien le plus trivial une matière poétique, il fait surtout preuve d'une vraie confiance dans les pouvoirs de la mise en scène et offre à chacun de ses comédiens une jolie partition à interpréter. Du coup, c'est étrangement le scénario qui reste à la traîne, notamment un troisième acte reposant sur des ressorts trop conformes à l'ordinaire de la fiction télé française. Cela ne vient pas gâcher le plaisir pris face à un film qui ose jouer la carte de la comédie et du style — après Tristesse Club et avant Les Combattants, la réjouissante tendance de cet été 2014.
Christophe Chabert