L'incroyable Burt

Burt Bacharach + The Divine Comedy

Théâtres romains de Fourvière

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Alliant comme personne efficience commerciale et exigence artistique, Burt Bacharach est l'un des grands songwriters – trop méconnus – de l'ère moderne. Une ahurissante machine à tubes qui, à quatre-vingt six ans (!), se présente à Fourvière en Statue du Commandeur pour y recevoir l'hommage qu'il mérite. Stéphane Duchêne.

Enfant, alors que sa mère – qui le surnomme Happy – le colle quasiment de force derrière un piano – la sainte femme –, Burt Bacharach ne rêve que d'une chose : être un athlète, comme papa, qui excella à l'université dans pas moins de quatre sports dont le basket, avant de devenir un héros de la Première Guerre mondiale puis un brillant journaliste. Mais le sport n'est pas pour lui, et le chétif adolescent doit se débrouiller autrement pour draguer des filles longtemps plus grandes que lui. La participation à quelques groupes de jeunesse permettra de régler le problème. Dès lors, au départ simple accessoire de vie, la musique ne le lâchera plus et lui montrera la voie d'une carrière qu'il n'avait pas un instant envisagé. Fasciné par l'effervescence artistique de New York, le jeune Burt, encore mineur, y plonge corps et bien, traînant dans les clubs de jazz muni d'une fausse carte d'identité pour s'y pâmer devant les exploits des jazzmen, à commencer par Dizzie Gillespie, son idole.
 

Décrochant un peu par hasard une bourse dont il ne se juge pas digne, il gagne à cette époque le droit d'apprendre l'art de la composition sous les bons auspices de Darius Milhaud, avant de se retrouver directeur musical pour des chanteurs de seconde zone puis, en 1958, à trente ans, de Marlene Dietrich, dont il sera aussi l'amant jusqu'en 1965. Entre temps, Burt rencontre son complément artistique idéal, celui avec lequel il va coucher le monde de la pop sur un lit de soie : l'auteur Hal David. Ironiquement, c'est avec Mack, le frère d'Hal, qu'il connaît son premier grand succès (coécrit avec Barney Williams) : Baby It's You, classique des Shirelles.

Dionne la lionne


Mais c'est la rencontre avec Dionne Warwick en 1962 qui met le tandem sur orbite. Avec la diva, le petit artisanat de Bacharach atteint des sommets et multiplie les tubes : Walk on By, Do You Know the Way to San Jose, I Say a Little Prayer ; impossible de tous les citer ici. Il faut dire que la lionne Warwick, par l'étendue de son registre, est le vecteur idéal des audaces musicales d'un compositeur trop heureux de pouvoir innover et d'autant plus prompt à affiner sa recette qu'il est un éternel insatisfait.

Le "Bacharach Sound", bien que Burt lui-même n'ait jamais vraiment compris ce que les critiques entendaient par là, est la formule magique de l'alchimiste qui s'ignore : une sorte d'union sacrée entre musique classique (les impressionnistes français Ravel et Debussy l'ont beaucoup... impressionné), atavisme jazz et langueur bossa ; un mélange d'arrangements complexes, de subtilités rythmiques et de cuivres dandys alanguis sur des mélodies imparables mais empreintes de cette élégance propre au détachement.

Mieux, Bacharach et David ne font guère la différence entre singles et chansons de fond d'album. La blague consiste alors à dire que même s'ils le voulaient, ils ne pourraient pas écrire une mauvaise chanson. Logiquement, interprètes et réinterprètes se bousculent au portillon – là encore la liste vaut bottin : Sandie Shaw (Always Something There to Remind Me, adaptée par Eddy Mitchell), Jackie DeShannon (What the World Needs Now), Cilla Black (Alfie), les Walker Brothers (qui font de Make it Easy on Yourself un n°1 en Angleterre en 1965), puis Scott Walker en solo avec le bouleversant Windows of the World, où sa voix de crooner enténébré se trouve enveloppée de violons et piquée de marimbas.

 

Héritage


Un tel talent intéresse forcément le cinéma et, durant cette décennie dorée, Bacharach livre pour Hollywood trois pépites éternelles : What's New Pussycat?, désormais un classique de Tom Jones, The Look of Love (Dusty Springfield) pour la BO de Casino Royale, et l'oscarisé Raindrop Keeps Fallin' on my Head (BJ Thomas) pour celle de Butch Cassidy and the Sundance Kid – scène hors du temps où l'outlaw en bout de course Paul Newman promène sa douce à vélo.


Contrairement à bien des dinosaures pop, ce sont les années 70 – et non les 80's – qui constituent pour Bacharach une traversée du désert. Il est démodé, se brouille – procès à la clé – avec David et Warwick – ils finiront par se réconcilier et il retravaillera avec elle – et n'intéresse plus grand monde. Jusqu'au début des 80's justement, où vient l'heure de la panthéonisation et de la captation d'héritage : toute une génération de popeux, parfois très disparates – Stranglers, XTC, Prefab Sprout, Elvis Costello, puis Divine Comedy, Rufus Wainwright, Tindersticks et même Oasis – se réclame de son influence, entre culte, hommages et reprises.


Dans les années 90, vient aussi la mode de l'easy-listening, dont Bacharach est vu comme l'indiscutable parrain. Toute sa vie, il s'étonnera de son succès et – peut-être un rien poseur – criera à l'auto-imposture, se déclarant même incapable d'écouter les morceaux qu'il a composés. Bacharach racontera même qu'il a tenté de faire retirer de la vente Walk On By, l'un de ses plus grands hits, après l'avoir entendu à la radio et trouvé déplorable. Bien sûr, tout ne peut pas toujours être une affaire de chiffres, mais à ce jour, Happy, l'enfant qui détestait le piano, a placé respectivement 73 et 52 hits dans les Top 40 américain et anglais.
 

 

Burt Bacharach [+ The Divine Comedy]
Aux Nuits de Fourvière, lundi 14 juillet

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