De Richard Aoyade (Ang, 1h33) avec Jesse Eisenberg, Mia Wasikowska...
Cette adaptation du roman de Dostoievski brille d'abord par la pertinence de ses parti-pris visuels : Richard Aoyade a en effet choisi de ne pas choisir entre la reconstitution et l'actualisation du livre, préférant inventer un monde qui renvoie autant à la bureaucratie soviétique qu'au futur orwellien de 1984. Au milieu de cet univers gris et pré-technologique vit Simon, triste employé de bureau frustré et voyeur, qui voit débarquer un jour son double, James, bien décidé à prendre sa place et à séduire la femme qu'il épie depuis sa fenêtre.
On pourrait énumérer les références conscientes ou inconscientes qui défilent dans le film — Brazil, Délicatessen, Le Locataire — mais cela ne ferait que souligner ce qui devient le défaut le plus évident de The Double : il s'enferme rapidement dans un exercice de style où la forme, soumise à un contrôle maniaque — lumières, cadres, mouvements de caméra, sans parler d'une bande-son très spectaculaire dans son accumulation de détails —prend le pas sur le récit. Aoyade vise manifestement le film-cerveau en droite ligne de Kubrick, Polanski ou des Coen, mais il ne produit qu'un objet froid et répétitif.
Si The Double mérite pourtant d'être vu, c'est pour une seule et grandiose raison : Jesse Eisenberg. Sans doute l'acteur le plus passionnant du moment, Eisenberg trouve ici l'opportunité d'incarner dans un même film le nerd introverti et speedé d'Adventureland ou de Night Moves et le post-adolescent arrogant et sûr de lui de The Social Network ou d'Insaisissables. On peine pourtant à discerner où se joue la métamorphose, tant son jeu minimaliste, tout d'introspection torturée, ne vient que rarement perturber la raideur impassible de son visage et de son corps. Eisenberg trône, souverain, sur le petit royaume artificiel de The Double, et ça suffit à en faire un film intéressant.
Christophe Chabert
Sortie le 13 août