Un premier centenaire pour le Comoedia

Inauguré en 1914, détruit lors des bombardements de la deuxième guerre mondiale, reconstruit puis fermé par le circuit UGC en 2003 avant d’être repris par Marc Bonny en 2006, le Comœdia fête ses 100 ans durant tout le mois de septembre… et prépare déjà l’avenir. Christophe Chabert

«Un cinéma peut mourir. Le Comœdia a d’ailleurs failli mourir deux fois…»

dit Marc Bonny, aujourd’hui propriétaire du cinéma de l’avenue Berthelot, un siècle après son ouverture sous le nom du "Berthelot".

«Aujourd’hui, d’ailleurs, il est plus facile de fermer un cinéma que d’en ouvrir un»

complète-t-il. Il sait de quoi il parle… Lorsqu’il décide de racheter le Comœdia, le cinéma est à l’abandon depuis décembre 2003, date à laquelle UGC avait décidé de fermer le site pour se concentrer sur ses autres écrans et préparer, déjà, l’ouverture du Ciné Cité Confluence. L’inauguration a lieu en novembre 2006 et, huit ans après, le lieu a trouvé sa place et sa vitesse de croisière — entre 310 000 et 330 000 spectateurs annuels, une programmation basée sur le cinéma art et essai, le jeune public, le cinéma de répertoire et une association au long cours avec des événements comme Lumière ou Hallucinations collectives et des acteurs culturels comme les Célestins, le TNP, le TJA ou ses voisins du CHRD.

 

Cinéma bombardé, mais cinéma libéré !

La vie du Comœdia n’a pas été un long fleuve tranquille. Après l’ouverture de 1914, c’est le début de la première guerre mondiale. En 1924, le cinéma adopte son nom définitif, mais les bombardements de 1944 auront raison de ses murs : il est entièrement détruit et devra attendre 1949 pour rouvrir. Ce qui a longtemps été un cinéma de quartier va devenir un fleuron des innovations technologiques en matière d’image et de son, notamment grâce à son projecteur 70 mm, équipement unique à Lyon à l’époque.

«Le cinéma est alors devenu le lieu des films à grand spectacle, comme Ben Hur ou Docteur Jivago» commente Marc Bonny. «Avant, c’était un cinéma de deuxième exclusivité ; ensuite, c’était une salle de prestige.»

Il est repris par la famille Lapouble, qui en fait un complexe cinématographique de trois salles en 1974, puis six en 1987. L’ère des monoécrans est terminée, mais la grande salle restera une des plus impressionnantes de Lyon — avec un balcon vertigineux. UGC reprend le lieu en 1993, et axe sa programmation sur les blockbusters programmés, chose rare à l’époque, en VO.

Après son abandon en 2003, beaucoup pensait que le Comœdia avait connu son chant du cygne. Mais la volonté de Marc Bonny va le faire renaître. Pari pas évident : en pleine explosion des cartes illimitées, poussant les circuits à diversifier leur offre de films, la place pour un cinéma indépendant paraissait complexe. De fait, si le Comoœdia a trouvé, après deux premières années difficiles marquées par des conflits judiciaires avec ses concurrents, son rythme de croisière, ce sont les autres salles qui ont trinqué : l’Ambiance, le CNP Odéon puis La Fourmi ont fermé leurs portes ; «il est plus facile de fermer un cinéma que d’en ouvrir un», en effet…

 

Days of future past

Les révolutions continuent. Celle du numérique, qui bouleverse l’exploitation ; l’explosion du nombre de sorties de films, qui complique la programmation ; le cinéma d’art et essai "porteur", celui des grands auteurs, de plus en plus convoité par tous, poussant à des combinaisons d’écrans disproportionnées et à une concurrence sévère et impitoyable. Mais Marc Bonny prépare pourtant l’avenir. Et celui-ci passe par l’extension du site :

«Quand l’INPI — Institut National de la Propriété Intellectuelle — a fermé, il y a eu l’opportunité d’un espace libre concomitant au Comœdia. Nous avons construit un projet avec EIFFAGE, qui va bâtir un hôtel donnant sur la rue Raulin, tandis que nous récupèrerons le cœur d’îlot. Cela devrait conduire à créer trois salles supplémentaires en plus des six existantes. Les travaux pourraient commencer en 2015 pour une ouverture en 2016. Cela permettra de refuser moins de films, et aussi de mieux les exploiter sur la longueur. La ligne éditoriale restera la même.»

En attendant, place aux festivités du cententaire, mais aussi au chantier-clé de la communication : un site Internet repensé, un magazine relooké. Le Comœdia aborde son deuxième siècle avec des projets plein les yeux, tout en gardant la tête froide face aux mutations rapides et imprévisibles du secteur…

 

100 ans, des tonnes d'événements

Au programme de cet anniversaire, de nombreuses avant-premières en présence de cinéastes : Benoît Jacquot présentera 3 Cœurs le 10 septembre et Jean-Charles Hue son formidable Mange tes morts le 15 ; Gustave Kervern accompagnera le 17 septembre la sortie du déroutant Near Death Experience, avec Michel Houellebecq ; puis ce sera Xavier Dolan et ses comédiens qui défendront Mommy le 1er octobre et Tony Gatlif qui viendra débattre autour de son Geronimo le 6. Deux ciné-concerts sont programmés : l’un autour de quatre courts-métrages burlesques de 1916 par l’ARFI ; un autre avec le quatuor Prima Vista autour des films de la Grande Guerre. Richard Bellia présentera les photos de réalisateurs et de comédiens qu’il a réalisées durant sa résidence l’an dernier au Comœdia à partir du 16 septembre — avec la projection, souhaitée par l’ami Bellia, de Spinal Tap. Une soirée sera consacrée à la série Bandes originales, avec les portraits de Lalo Schifrin et Bruno Coulais, le 25 septembre. Le Petit Bulletin s’associe aux festivités avec un Ciné-Brunch spécial le dimanche 28 septembre. Le centenaire se terminera le 7 octobre par une soirée festive avec avant-première, animation musicale et cocktail.

100 ans du Comœdia
Du 10 septembre au 7 octobre

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