Qu'ont cuisiné les directeurs des grandes salles pour cette saison ? En marge des spectacles qu'ils accueillent, ils mitonnent d'ordinaire leurs plats en arrière-salle mais cette saison, hormis à la Croix-Rousse, c'est régime. Nadja Pobel
C'est ce qui s'appelle un été pourri : non seulement Météo France a enregistré, sur la période juillet-août, le plus fort cumul de précipitations dans l'Hexagone depuis 1959, mais comme si cela ne suffisait pas, Christian Schiaretti, directeur du TNP, a dû en plus affronter des vents contraires. Pour son retour au festival d'Avignon après des années de disette sous l'ère Archambault-Baudrillier, son didactique quoique passionnant Mai, juin, juillet s'est en effet pris une volée de bois vert de la part de la presse nationale, en même temps que le poste d'administrateur général de la Comédie Française lui échappait. Son dossier ayant mystérieusement disparu entre la rue de Valois et le palais de l'Elysée, il n'a jamais été remis au chef de l'Etat qui a choisi Éric Ruf, aux dépens également du candidat dépêché en dernière minute (Stéphane Braunschweig ) par l'ex-ministre de la culture Aurélie Filippetti. Les camouflets sont une denrée bien partagée.
Toujours est-il qu'au TNP, dont il reste directeur au moins jusqu'en 2016, il n'avait de toute façon pas prévu de création en 2014-2015, notamment à cause de la diminution de son budget, amputé de 250 000€ (sur un total de subventions publiques de sept millions). Mai, juin, juillet sera cependant à nouveau joué en fin de saison, de même que la toujours aussi captivante Jeanne de Delteil (avril-mai), magnifiquement interprétée par Juliette Rizoud. La série du Graal, co-réalisée par Julie Brochen, elle aussi plus qu'en délicatesse (euphémisme) avec ses tutelles au Théâtre National de Strasbourg, est de son côté programmée pour décembre, tandis que L'École des femmes, co-créé en 2013 avec l'équipe des Tréteaux de France (pilotée par Robin Renucci, qui tient aussi le rôle de Jean Vilar dans Mai...), s'arrêtera à Villeurbanne en octobre.
À bicyclette
Aux Célestins, point de Claudia Stavisky. La co-directrice est pourtant bien au programme de la saison, mais elle a préféré le plateau des Ateliers, voisin nouvellement dirigé par Joris Mathieu, pour présenter en janvier un texte intriguant de la jeune britannique Penelope Skinner, En roue libre, dans lequel une jeune femme, tout juste mère, court les hommes pour assouvir ses désirs charnels. Une création qu'on a hâte de découvrir, d'autant que figure à son générique le grand comédien David Ayala.
Aux Ateliers justement, aucune production-maison n'est annoncée, contrairement à la Croix-Rousse, où Jean Lacornerie, en plus de reprendre Le Roi et moi avec la Maîtrise de l'Opéra, continue sa collaboration avec le prestigieux établissement lyonnais. En février-mars, il montera ainsi une version de Roméo et Juliette composée par Boris Blacher aux plus sombres heures du nazisme (1944) et dans laquelle, hormis ceux des protagonistes principaux, les rôles sont confiés à des chanteurs.
Le nouveau directeur de la Renaissance, Gérard Lecointe, créera lui avec ses Percussions Claviers de Lyon et un ensemble québécois Batèches (en mars), sur des textes du poète Gaston Miron.
Gwenael Morin, toujours aux commandes du Point du Jour, cèdera pour sa part son plateau et son mode fonctionnement permanent au Collectif X dès janvier.
Enfin, Nino d'Introna, en partance du TNG, reprendra trois de ses créations, dont le fabuleux Yaël Tautavel en décembre.