«Le Jour se lève ressort bientôt, et Gabin dedans est immense. Si un jour je pouvais m'approcher de ça, faire un petit Jour se lève, ce serait fantastique...» Voilà ce que nous a déclaré Jean-Charles Hue, réalisateur de Mange tes morts. On parlait avec lui de "mythologie populaire du cinéma français" et il est évident que ce chef-d'œuvre de Marcel Carné en est un des exemples les plus purs. Il faudrait, pour (re)découvrir Le Jour se lève, oublier tout ce que l'on pense en savoir : le réalisme poétique, le pessimisme qui fait contrepoint à la légèreté de Drôle de drame, le charisme du couple Gabin-Arletty...
Carné et son complice Jacques Prévert osent reconstruire en flashbacks l'histoire d'un assassin, cloîtré dans un appartement, attendant le petit jour et la venue de la police. Magie du cinéma qui voit se transformer le criminel en ouvrier amoureux, puis en amant dupé et trahi par un montreur de chiens jaloux. Le film s'appuie sur cet artisanat du cinéma de studio qui, dans l'entre-deux-Guerres, avait atteint son apogée : le noir et blanc et les jeux d'ombres de Curt Courant, inspirés par l'expressionnisme allemand, les décors sublimes d'Alexandre Trauner ou la qualité du dialogue ciselé par Prévert.
Et, bien entendu, la majesté des trois comédiens : Gabin et Arletty, donc, mais aussi un Jules Berry exceptionnel, formidable figure maléfique dont Carné se souviendra quand il cherchera son diable pour Les Visiteurs du soir. Tout comme de nombreux cinéastes s'en souviendront à leur tour — Hue, donc, mais aussi Rebecca Zlotowski, dont le Grand central est parcouru d'emprunts (inconscients ?) au Jour se lève.
Christophe Chabert
Le Jour se lève
De Marcel Carné (1939, Fr, 1h33) avec Jean Gabin, Arletty, Jules Berry...
À l'Institut Lumière, du 26 septembre au 3 octobre