De toute évidence, ce qu'Olivier Borle fait pendant 1h20 sur la scène du théâtre de l'Elysée est prodigieux. Membre de la troupe permanente du TNP depuis une décennie, Borle dit avoir lu il y a déjà longtemps le Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Cesaire, texte fleuve, écrit et corrigé au fil des années trente, entre prose, poésie, pamphlet politique et fable moderne. Il n'en a toutefois vraiment saisi la force que lorsqu'il s'y replongea en intégrant en 2013 la mémorable mise en scène par Christian Schiaretti d'Une saison au Congo, l'une des quatre pièces écrites par l'écrivain qui aura le plus martelé que la colonisation n'est pas seulement l'affaire des colonisés, mais avant tout celle des colonisateurs.
Assisté de Clément Carabédian, membre comme lui du Théâtre Oblique, et de Sven Narbonne (metteur en scène d'un Huis clos efficace et sans fioritures), Olivier Borle met en place une rythmique impeccable, sans temps mort ni accrochage et signe une réelle performance de diction. L'école Schiaretti – le travail de la langue – y est sans nul doute pour quelque chose. Las, cette prouesse ne permet pas toujours au spectateur de bien s'imprégner du récit, qui file à toute allure. La judicieuse représentation au fusain et à la craie rouge sang de la planète en fond de scène où, enfin, les Antilles ne sont plus des points imperceptibles, mais des miroirs grossissants du commerce triangulaire, ne justifie pas à elle seule que ce spectacle soit donné sur un plateau de théâtre. Les yeux fermés, le texte parait en effet plus fort et, de fait, l'implication du comédien presque démesurée. Peut-être ce Cahier d'un retour au pays natal aurait-il été plus à sa place dans une (très bonne) lecture radiophonique...
Nadja Pobel
Cahier d'un retour au pays natal
Au Théâtre de l'Elysée, jusqu'au vendredi 10 octobre