De Manuel Martín Cuenca (Esp-Roum-Russie-Fr, 1h56) avec Antonio de la Torre, Olimpia Melinte...
Carlos, tailleur discret de Grenade, aime les femmes. Mais attention, il les aime bien préparées. Aussi habile avec un fil et des aiguilles qu'avec un couteau de boucher, il déguste ses victimes selon un rituel presque monotone, sans en tirer de plaisir apparent. On a présenté les choses avec un poil d'ironie, mais Amours cannibales en est résolument dépourvu. Au contraire, la froideur de la mise en scène renvoie plutôt à la "glaciation émotionnelle" tant vantée par Michael Haneke. Même lorsqu'une histoire d'amour, une vraie, se profile entre Carlos et la sœur d'une des femmes qu'il a tuées, Cuenca ne déroge pas à sa grammaire : plans tirés au cordeau, absence de musique, quête de distance et d'atonie dans l'approche des événements.
Cette forme-là, respectable dans son principe mais devenue très académique à force d'être mise à toutes les sauces, est assez contre-productive dans le cas d'Amours cannibales. On n'est jamais loin du pléonasme tant la grisaille et l'absence de passion semblent envahir en permanence et l'action, et les personnages, et l'approche visuelle de Cuenca. Même les scènes gore ne créent pas vraiment de malaise, fondues dans l'apathie dramatique générale, ne venant pas contredire le sentiment d'impasse que ce cinéma-là finit par procurer.
Christophe Chabert