Est-ce parce qu'on commence à être habitué à ce genre de cirque ? Toujours est-il que non, le bruit qui accompagnera la venue lyonnaise d'une Christine & the Queens au sommet du succès ne suffira pas à éclipser le reste d'une programmation de fort belle facture. Et vous savez quoi ? C'est tant mieux. Stéphane Duchêne
En matière de musique, la hate est un fruit de saison, savamment cultivée par les réseaux sociaux, par ce fléau mondial que constitue l'aigreur d'estomac – surtout en sortie de fêtes de fin d'année –, par quelques médias victimes d'hypocondrie culturelle et, il faut bien le dire, par ceux qui la provoquent. On a ainsi droit comme ça à un ou deux boucs émissaires par an cristallisant les crispations d'une certaine branchitude mal définie.
On ne vous fera pas languir plus longtemps : après Woodkid, Stromae et Fauve (qui reviendra, le 2 avril, en grande surface qui plus est, puisqu'à la Halle Tony Garnier, ramasser des forêts de cœurs avec les doigts et sans doute quelques seaux de merde), c'est au tour de Christine & the Queens (4 mars au Transbordeur) d'énerver son monde sur le thème : talent fou ou blague de l'année ?
Alors oui, dans ces cas-là, on dit qu'il faut bien passer ses nerfs sur quelqu'un – n'est-ce pas pour cela qu'on l'a inventé, ce fameux bouc ? Mais n'est-ce pas aussi un peu douteux ? Car le fait est qu'on peut aussi les passer autrement, ses nerfs.
Frisson violents
Option 1 de cette rentrée : se laisser secouer, par les deux Benjamin de la promo, Clementine et Booker, et leurs «frissons violents». Le premier, au Transbo le 17 mars, avait déjà retourné le Sucre fin 2013 avec son seul piano – il sera ici accompagné. Quant au second (le 13 mars au Marché Gare), on dit, avec raison, qu'il est l'une des meilleures nouveautés qui soient arrivées au blues. Au point de quasi ringardiser les Black Keys, eux aussi désormais rendus à l'occupation de hangars (la Halle, le 7 mars).
Option 2 : se faire broyer la moelle par un rouleau compresseur, du rock brumeux d'A Place to Bury Strangers (au Marché Gare, le 14 avril) aux petits temples grunges, toujours bien branlants de rage, que sont Earth et Mudhoney (24 janvier et 22 mai, Epicerie Moderne) en passant par les désormais indispensables rockeurs russes de Motorama (28 janvier, Transbordeur).
Option 3 : à l'image du foie gras du réveillon, choisir le mode dénervé et fondant, essentiellement proposé par l'Epicerie, façon Ariel Pink (5 mars), créature littéralement assez proche d'un mélange Petite sirène-Panthère Rose, Jacco Gardner (8 mai) psychédélico-lysergique-hollandais-planant ou surf revivaliste option bronzette à la Allah-Las (20 février). «Happy with the future you make» marmonne le toujours aussi bon Baxter Dury (6 mars) sur Pleasure. Le voilà le truc.
De toute façon, comme le dit Godspeed You! Black Emperor : «la seule chose qui est certaine c'est que tout ça va bientôt s'effondrer». Et sans doute dans le grand fracas du 15 avril que sera le concert tellurique des Montréalais au Transbo. Le genre d'événement qui souffre si peu de débat qu'il invite haters et zélateurs, détracteurs et thuriféraires en tout genre à fermer, de concert, leur claque-merde. Et à simplement écouter.