C'est la semaine du festival Télérama, un des derniers prescripteurs culturels de la presse écrite, qui a transformé cette semaine de hard discount sur l'art et essai — 3, 50€ le ticket avec le pass, qui dit mieux ? — en une grande séance de rattrapage pour cinéphiles distraits. Car il fallait vraiment avoir passé l'année dans un terrier pour louper The Grand Budapest Hotel, Mommy, Winter Sleep ou Ida, parmi les grands vainqueurs de 2014. Moins successful, Only Lovers Left Alive, Leviathan, Under the Skin ou les mal-aimés Saint Laurent et Eden, méritent une seconde chance.
Mais le film scandaleusement sous-estimé cette année et que Télérama propose de remettre en lumière, c'est le superbe Eastern Boys de Robin Campillo. Sorti pendant le traditionnel ventre mou de l'avant-Cannes, le deuxième film du réalisateur des Revenants (le long métrage, pas la série télé) et co-scénariste attitré de Laurent Cantet a pourtant imprimé durablement les mémoires. D'abord par son sujet, sans tabou ni manichéisme : comment un bourgeois homosexuel lève dans une gare un immigré ukrainien, avant de voir son appartement méticuleusement pillé par sa bande, sans pour autant en vouloir à son gigolo-escroc. Au contraire, il entame avec lui une relation durable et soigneusement réglée, qui ne peut qu'évoquer les relations entre l'ouest et l'est, où la servitude économique s'accompagne d'une promesse (illusoire ?) de liberté.
Tout en ruptures de tons, jusqu'à une dernière partie en forme de thriller haletant, Eastern boys est à (re)découvrir impérativement.
Christophe Chabert