Pour les gens de la musique électronique, l'image et la lumière ne sont (trop) souvent que des placebos pour laptopgazer – comme on parle de shoegazers pour les guitaristes obnubilés par leurs pédales d'effet – souffrant d'une sévère carence de charisme.
D'une certaine manière, le Mirage Festival inverse ce rapport de subordination, investissant Le Sucre pour deux showcases conçus comme des soirées d'appel destinées à attirer l'attention sur les sections moins intelligibles du festival. Le compromis s'arrête là, Monkeytown et Crème Organization, les deux labels à l'honneur de ces soirées, comptant parmi les plus insaisissables du Vieux Continent. Le premier, tanière de Modeselektor, par la polissonnerie – qu'on pourrait ici orthographier avec un y – avec laquelle ses pensionnaires, en l'occurrence Bambounou et le solaire Benjamin Damage, se jouent des codes de la techno. Le second, fondé à Amsterdam voilà tout juste quinze ans par DJ TLR, par sa propension des siens (y compris les petits derniers, Marquis Hawkes et Innershades), émulée depuis par L.I.E.S., à avilir la house pour mieux décupler son potentiel de séduction.
Le reste du temps, le spectre sonore est pour les organisateurs du Mirage un terrain d'expérimentation comme les autres, sur lequel s'aventureront quelques habitués des nuits lyonnaises. Ainsi de Sidekick, émanation ambient du collectif Palma découverte en première partie de Mondkopf à l'Auditorium, et de Douster, le Diplo de Villeurbanne, invité à mettre à profit ses compétences de programmeur le temps d'une exploration participative d'une interface gibsonienne de sa création.
C'est cependant en clôture que se tiendra le concert le plus emblématique des ambitions formelles du Mirage – aussi emblématiques que peuvent l'être ses Modules, équivalents multisensoriels des défunts Échos sonores inaugurés à l'automne 2014 : un live audiovisuel de Kangding Ray, diplômé d'architecture qui met son sens de l'équilibre, des volumes et des beaux matériaux (kicks inoxydables, glitches moirés, drones granités...) au service d'abstractions post-techno d'une rare majesté.
Or from Nicolas Lelievre on Vimeo.
Benjamin Mialot