Bourreau malgré lui

Le Bourreau
De Luis Garcia Berlanga (1963, Esp, 1h27) avec Nino Manfredi…

Redécouvert lors de la formidable carte blanche d’Almodóvar consacrée au cinéma espagnol au cours du dernier festival Lumière, Le Bourreau est une merveille de comédie noire et un joli pied de nez à la censure franquiste. Luis García Berlanga, déjà auteur d’un grand film sardonique sur les mœurs espagnoles (Bienvenue Monsieur Marshall), pousse un cran plus loin son envie de provocation, dialectisant sur un mode tragi-comique la peine de mort alors en usage dans son pays.

Le Bourreau possède une autre particularité : c’est la plus italienne des comédies espagnoles. D’abord car, dans le rôle de ce croque-mort qui, pour les beaux yeux de sa femme mais aussi pour rendre service à son beau-père et se constituer un petit capital, accepte de devenir bourreau tout en cherchant à esquiver le moment où il devra passer à l’acte, on retrouve le fabuleux Nino Manfredi.

L’acteur, pilier de l’âge d’or de la comédie italienne, joue sur un registre chaplinien, entre burlesque et inquiétude, un personnage dont la veulerie devient, par un drôle de concours de circonstances, une forme de courage involontaire face au système. Ce ton-là, où la dérision ne dissimule jamais la portée sérieuse du propos, rappelle évidemment Scola, Risi ou Germi…

Le soin apporté à la mise en scène, notamment le superbe noir et blanc du grand Tonino Delli Colli, traduit aussi cette filiation, la comédie n’étant pas ici traitée comme un sous-genre mais comme un art à part entière. L’extrême précision de la mécanique, qui permet de passer en douceur du rire franc à un autre beaucoup plus noir, sinon jaune, notamment lors d’une scène finale aussi drôle que glaçante, fait du Bourreau un croisement improbable entre Goldoni et Gogol, entre la chaleur méditerranéenne et l’absurde russe.

Christophe Chabert

Le Bourreau
De Luis García Berlanga (1963, Esp-It, 1h27) avec Nino Manfredi, Emma Penella…
Dans les salles du GRAC, jusqu’au 30 mars

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