Selma

Selma
D'Ava DuVernay (Angl-EU, 2h08) avec David Oyelowo, Tom Wilkinson...

Avec cette évocation du combat de Martin Luther King pour la reconnaissance du droit de vote des noirs dans les états du sud américain, Ava DuVernay réalise un honnête film à Oscars, qui ménage la chèvre didactique et le chou romanesque avec un certain sens de la nuance. Christophe Chabert

Dans l’offensive hivernale du cinéma inspiré d’une histoire vraie ou d’un personnage célèbre et destiné à récolter des (nominations aux) Oscars, Selma faisait figure d’outsider face aux brontosaures Imitation Game et Une merveilleuse histoire du temps. Pourtant, le film d’Ava DuVernay ne démérite pas et s’il s’avère plus linéaire que l’évocation d’Alan Turing, il est nettement moins académique que l’imbitable ménage à trois autour de Stephen Hawking…

Tout est ici question d’angle : plutôt que de se lancer dans un biopic étouffe-chrétien du pasteur Martin Luther King, le film resserre sa focale autour d’un combat précis et symbolique de son engagement, celui de Selma, Alabama, ville représentative du déni de représentation fait aux noirs dans les états du sud, en particulier leur droit à voter lors des élections. Reconnu par la loi mais bloqué dans les faits par les autorités en place, il devient le cheval de bataille de Luther King et de son clan, qui s’installent sur place au péril de leur vie et décident de monter une marche pacifiste reliant Selma à Montgomery, juste séparées par un pont — ce qui fait du cortège une cible facile pour la police et d’éventuels snipers embusqués.

Ni noir, ni blanc

Selma offre d’abord une peinture des mécanismes du pouvoir et des contre-pouvoirs américains ; les séquences où Luther King tente de convaincre un Président Johnson compréhensif mais ferme dans son désir de ne pas brusquer sa base et les intérêts de ses soutiens donnent une image pertinente de ce jeu d’influences où la question politique se cristallise entre partisans du court et du long terme, entre pragmatisme et désir de changement. La manière dont DuVernay représente l’ombre du FBI et d’Edgar Hoover est tout aussi bien vue : les rapports d’écoute s’affichent à l’écran, créant un contrepoint au point de vue adopté par le film, évidemment pro-Luther King.

Ce n’est d’ailleurs pas un problème, tant l’écriture, subtile, sait montrer les doutes, les failles et les erreurs du leader, ainsi que les tiraillements internes du mouvement, écartelé entre radicaux et pacifistes. Le point le plus fort de Selma reste toutefois son casting : David Oyelowo met une conviction à incarner Luther King qui file le frisson lors de ses grands discours à son peuple et, à l’autre bout de l’échelle, Tim Roth compose un gouverneur raciste et obtus avec une manifeste délectation. Tout cela concourt au storytelling impeccable d’un film certes classique, mais honnête et profondément humaniste.

Selma
D’Ava DuVernay (ÉU, 2h08) avec David Oyelowo, Tom Wilkinson, Tim Roth…

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