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Au Zola, l'Espagne sera au coeur des Reflets

Si sa superbe programmation va beaucoup fureter du côté de l’Amérique latine, c’est bien l’Espagne qui va faire plusieurs fois l’événement lors des 31e Reflets du cinéma ibérique et latino-américain du Zola. Ou comment une production touchée par la crise survit grâce à sa diversité et l’inventivité de ses cinéastes. Christophe Chabert

Aux derniers Goya, l’équivalent espagnol de nos César, deux films se tiraient la bourre dans la course aux récompenses finales : La Isla Minima (qui sortira en France sous le titre Marshland) et La Niña de Fuego. Deux films de genre, l’un tirant vers le cinéma criminel, l’autre vers le thriller.

Cela fait longtemps qu’on loue dans nos colonnes la force des cinéastes espagnols lorsqu’ils s’attaquent à des territoires squattés par les productions anglo-saxonnes, mais cette reconnaissance par les professionnels — ainsi que par le public, les deux films ayant été de gros succès au box-office national — montre que, loin de s’être commué en académisme ou en opportunisme commercial, le cinéma de genre made in Spain est encore en pleine effervescence. Et ce malgré la crise qui a touché le pays et, par voie de conséquence, le financement de son industrie cinématographique ainsi que sa distribution — nombre de salles ont fermé leurs portes ces dernières années.

Marshland : un thriller post-franquiste

La Niña de Fuego et Marshland seront les deux événements majeurs de la nouvelle édition des Reflets du cinéma ibérique et latino-américain. Si l’on n’a pas encore vu le premier, il faut tout de suite souligner l’excellence du second qui, d’ailleurs, l’a finalement emporté largement aux Goya sur son adversaire avec rien moins que dix statuettes, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Alberto Rodríguez — La Niña de Fuego a reçu quant à lui le Goya de la meilleure actrice pour Bárbara Lennie.

Rodríguez n’est pas un nouveau venu dans le cinéma espagnol ; il a déjà à son actif quelques films remarqués mais imparfaits, en particulier Les 7 vierges et le film d’action Grupo 7. Il effectue un pas de géant avec Marshland, polar haletant, écrit au scalpel et filmé avec une véritable maestria stylistique. L’histoire rappelle Memories of Murder et True Detective : sur une île au Sud de l’Espagne, un serial killer rode, assassinant des jeunes filles qui voulaient toutes quitter ce territoire désespérément promis à ne jamais sortir de ses archaïsmes et de son autarcie. Deux flics enquêtent sur les meurtres et se heurtent à des obstacles qui ne sont pas seulement liés à la psychologie retorse du tueur ; nous sommes en 1980, et l’Espagne entame sa transition démocratique, passant du franquisme à la Monarchie républicaine, avec tout ce que cela implique de mutations administratives et de changements de mentalité.

La façon dont Rodríguez parvient à intriquer l’efficacité de son thriller — avec des séquences à vous faire dresser les cheveux sur la tête — et son contexte politique tient de la haute voltige. Il réussit ainsi dans le cadre balisé du cinéma de genre à offrir une réflexion historique pointue et complexe, sans perdre de vue l’intensité du récit, avec ses fausses pistes et ses coups de théâtre.

Elena Anaya : muse du nouveau ciné espagnol

Durant les Reflets, l’Espagne va s’illustrer aussi avec la venue d’une actrice parmi les plus emblématiques de ses dernières années : Elena Anaya. Révélée par Pedro Almodóvar et Julio Medem, qui lui ont offert des rôles puissants dans Parle avec elle, La Piel que Habito, Lucia y el Sexo et l’inédit Room in Rome, Anaya tient le premier rôle de Todos Estan Muertos de Beatriz Sanchís, en ex-star du rock devenue agoraphobe, vivant recluse avec sa mère et son fils adolescent.

Enfin, avec un peu de retard, le festival présentera le grand gagnant des Goya… 2014 : l’inédit Vivir Es Fácil con los Ojos Cerrados de David Trueba — fils de Fernando, lui-même figure majeure du cinéma espagnol dans les années 80 et 90 — road movie dans l’Espagne des années 60 où un prof d’Anglais (l’excellent Javier Camara) part en direction d’Almería pour y rencontrer John Lennon, son idole, sur le point de tourner un western spaghetti. Une comédie douce-amère qui prouve que c’est bien sa diversité qui permet au cinéma espagnol de survivre face à la crise. On devrait en avoir la preuve dans les mois à venir avec les grands "parrains" de ce renouveau : Alex De La Iglesia, Pedro Almodóvar et Julio Medem sont tous en train de tourner leurs nouveaux films.

Mais aussi...

Hormis son beau contingent espagnol, les Reflets proposeront de nombreux films inédits à suivre de près — en plus de ses reprises, notamment les très contestables Nouveaux sauvages et Praia do Futuro. On passera vite sur le retour raté de Diego Lerman avec Refugiado, archétype essoufflé d’un world cinéma d’auteur pétri de scories, et on s’attardera plutôt, niveau cinéma argentin, sur Ardor, audacieuse tentative de western tropical signé Pablo Fendrick (La Sangre Brota) avec Gael García Bernal. Curiosité aussi, les nouveaux films du Mexicain Fernando Eimbcke, le réalisateur de Temporada de PatosClub sandwich — et du Chilien Cristián Jiménez, après le joli BonsaïLa Voz en Off. En ouverture du festival, un film cubain précédé d’un buzz laudatif, Conducta d’Ernesto Daranas et, en avant-première en présence de son réalisateur Eduardo Mendoza, L’Évangile de la chair, un film venu du Pérou. Sans oublier la fiesta de clôture au Transbordeur le 25 mars !

Les Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
Au Zola, du 11 au 25 mars

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