L'été québécois d'une post-ado indécise raconté en noir et blanc, avec humour et poésie, par Stéphane Lafleur.
C'est l'été dans la banlieue de Montréal ; Nicole, à peine vingt ans, se réveille dans les draps de son amant du soir, cherche — en vain — sa culotte, enfile son mini-short et enfourche son vélo pour se rendre à son job, où elle trie des vêtements aux côtés d'handicapés en stage d'insertion. Puis elle prend possession de la maison familiale désertée par ses parents, traîne avec sa meilleure copine Véronique et voit débarquer son frère, nanti de son groupe de rock dont un nouveau batteur auquel Nicole n'est pas insensible.
Insomniaque, timide, indécise, Nicole est un beau personnage de cinéma, et la révélation d'une comédienne craquante, Julianne Côté. Son caractère modèle les humeurs que Stéphane Lafleur se plaît à distiller dans son (troisième) long-métrage : un parfum de fraîcheur et de mélancolie, d'humour et de bizarrerie, notamment à travers ce gamin qui parle avec une voix (et des propos) d'adulte, idée aussi incongrue qu'irrésistible.
Le noir et blanc, le goût du cadre fixe et de la comédie à combustion lente rappellent à la fois le Jarmusch des débuts et le Baumbach de Frances Ha. Mais, Québec oblige, Tu dors Nicole possède son propre accent, affranchi de ses modèles : un certain art de la suspension dans lequel se faufilent désir, ironie, lucidité et rêveries, ce que l'image finale de ce film très attachant synthétise avec poésie.
Christophe Chabert