Après avoir accueilli il y a deux ans Nicolas Boukhrief, Hallucinations collectives invite un autre grand ancien de Starfix pour présenter trois films de son choix : Christophe Gans.
Il faut l'avouer, Christophe Gans a longtemps été un de nos héros. De ceux qui nous ont fait découvrir des cinéastes majeurs comme Carpenter, Friedkin, Tsui Hark et qui nous ont donné envie d'écrire sur le cinéma. Et une fois cet ancien journaliste de Starfix passé derrière la caméra, il nous a fait croire que le cinéma de genre s'était trouvé en France un styliste majeur. Aussi, lorsque nous sommes sortis dépités de La Belle et la Bête, le sentiment était celui d'avoir tué le père, avec ce que cela implique de mélancolie et de culpabilité.
Heureusement, grâce à Hallucinations Collectives, tout est pardonné : en l'invitant à choisir trois films pour une carte blanche résolument surprenante, le festival prouve que Gans est resté un cinéphile pointu prêt à se faire le défenseur de toutes les formes d'innovations en matière de mise en scène — on n'a pas oublié par exemple ses visionnaires analyses à la sortie d'Avatar.
Il a ainsi choisi d'axer son programme autour d'œuvres qui ont fait avancer la grammaire cinématographique, quitte à oser le porte-à-faux avec l'identité bis du festival. Car autant la présence de deux "classiques" du cinéma de genre comme Hitokiri, le châtiment, un film de sabre particulièrement barbare réalisé par le virtuose Hideo Gosha, et Les Frissons de l'angoisse, sommet du style flamboyant de Dario Argento, n'a rien de particulièrement détonnant, autant il fallait du culot pour oser (enfin !) reconnaître La Chute du faucon noir comme le putain de chef-d'œuvre qu'il est.
On le sait bien puisque lorsqu'on avait consacré notre Une au film à sa sortie, on avait senti le vent du boulet siffler à nos oreilles de la part de certains lecteurs. Pourtant, ce récit dément d'une déroute de l'armée américaine lors d'une intervention en Somalie est non seulement un film de guerre courageux, qui exalte l'héroïsme des soldats tout en fustigeant les errances de la politique américaine — tourné après le 11 septembre, il représente une critique claire et nette de la stratégie bushiste en Irak — mais aussi un geste de cinéma très audacieux.
Ridley Scott y met en scène l'action en passant sans cesse d'un point de vue à l'autre, des militaires embourbés sur le terrain au QG où, à distance et via une multitude d'écrans, les généraux centralisent l'opération comme s'ils jouaient à un wargame. La technique que Scott utilise encore, celle d'un tournage à quatre ou cinq caméras simultanées, n'avait autant porté ses fruits que dans La Chute du faucon noir : le spectateur à l'impression d'être plongé au cœur du conflit, de ressentir presque physiquement le danger et la panique qui s'emparent des personnages.
À tel point que tous les jeux vidéos guerriers à venir — Halo ou Call of duty —s'inspireront à leur tour de cette mise en scène hautement immersive pour décupler les émotions du joueur. Mais on a hâte que Gans explique cela beaucoup mieux que nous...
Christophe Chabert