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Aux Célestins, de bouleversants "Serments"

Nos serments

Célestins, théâtre de Lyon

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

En s’inspirant du cultissime et grandiose "La Maman et la putain", la toute jeune Julie Duclos signe avec "Nos serments" une pièce triste et drôle, troublante, parfois lente, vindicative aussi, pour raconter l’essentiel : comment on s’aime, comment on se quitte. Nadja Pobel

Dans un appartement parisien un peu impersonnel et habilement encadré d’un arsenal de projecteurs de cinéma, Mathilde ne veut pas que son homme sorte se promener une nouvelle fois à la nuit tombée. Le dialogue, entamé par un banal «ça va ?», vire au drame : il fuit alors qu’elle voudrait juste qu’ils soient «ensemble». Entre phrases nunuches (personne n’est un Nobel à chaque instant) et vérités déchirantes, colères et espoirs fou, la vie surgit. «Je veux être heureuse, je suis heureuse normalement» tente-t-elle de se convaincre.

Mais François fout le camp et son ex disparaît des radars : le prologue est shunté par un écran où l’on suit l’homme instable au dehors. Julie Duclos trouve ainsi la parade pour faire respirer son huis-clos, ouvrant sur l’extérieur comme le faisait La Maman et la putain de Jean Eustache dont elle s’est très librement inspirée – «je suis partie du film comme on part : pour le quitter» dit-elle magnifiquement.

Quand François revient, il est chez Esther, sa nouvelle compagne, qui tolère ses écarts avec son amante Oliwia. Alors quoi ? Il se nouerait ici un simple vaudeville chez les bobos ?

Ses petites amoureuses

C'est tout le contraire. Dans ces dialogues – issus en grande partie d’un long travail d’improvisation et du talent du scénariste Guy-Patrick Sainderichin – on ne décèle aucune temporalité : le texte résonne autant avec le post-68 d’Eustache qu'avec les années 2010. Les protagonistes féminines et elles seules ont un travail ; la sombre répétitivité du quotidien est décrite avec justesse («travailler pour attendre de rentrer dans une boîte, sourire au videur, danser, boire, re-danser, re-boire») ; s’occuper est «la grande affaire».

Mais au cœur de tous ces constats, l’amour se distille comme un poison vital. Il transpire par les pores de comédiens absolument remarquables, qui jamais ne croulent sous le poids des icônes qu’ont été Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont (citée en clin d’œil) et Françoise Lebrun.

Bien sûr, à trop se calquer sur le réel, l'ennui contamine parfois le plateau, notamment dans la demi-heure précédant l'entracte, mais ensuite, place à une deuxième partie magistrale. Julie Duclos a en effet choisi d’aller au-delà du film, en inventant une suite à l'existence de ses personnages. Esther veut «guérir et ne pas guérir» de son chagrin d’amour, «sa tristesse assumée et forte». Elle prend des décisions dérisoirement «radicales» («sortir, voir des gens»), mais tourne en rond et se met en boule devant la télé.

Dans une dernière vidéo qui nous transbahute des années plus tard et flanque les larmes aux yeux, l’amour ne triomphe pas de tout, pas même du couple, mais il est de très loin la plus belle aventure de chacun. Duclos et sa troupe, joliment nommée In-Quarto, ont su transposer cette certitude douce-amère au théâtre. On leur en sait gré.

Nos serments
Aux Célestins jusqu’au vendredi 10 avril

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