"Tale of tales" de Matteo Garrone. "L'Étage du dessous" de Radu Muntean. "L'Ombre des femmes" de Philippe Garrel.
Voilà, Cannes, 2015, c'est parti, dans un foutoir qui ferait le charme du festival s'il n'était pas une source considérable d'épuisement pour celui qui le subit onze jours durant. Au menu cette année : un plan Vigipirate renforcé qui crée un gigantesque périmètre de sécurité devant l'entrée du Palais, obligeant les centaines de festivaliers à s'agglutiner le long des barrières lorsqu'ils sortent et provoquant des queues monstres quand ils veulent pénétrer à l'intérieur ; des exploitants furibards devant la réforme de leur système de tickets, prêts à mener une action en haut des marches histoire d'exprimer leur mécontentement ; et un grand Théâtre Lumière rénové de fond en comble, du double escalier en hélice à la salle elle-même, bien plus confortable que dans sa configuration précédente.
Comme d'habitude, les couacs sont nombreux au démarrage, à commencer par des séances presse tellement étroites qu'il était quasi-impossible d'assister aux projections du dernier Kore-Eda, Notre petite sœur ; pas grave, on se le gardera pour les séances de rattrapage le dernier dimanche, juste avant le palmarès. Ou encore ces publicités pour le moins menaçantes de la Ville de Cannes sommant la population à la civilité — sinon, c'est 180 euros d'amende pour un mégot ou une canette jetée sur la voie publique. Pas de bol, pendant le festival, toutes les poubelles sont supprimées aux alentours du Palais — Vigipirate, bis — si bien que certains doivent déjà en être à 2000 euros de contraventions virtuelles en deux journées seulement.
Bon, comme on n'est pas là que pour commenter l'ambiance — quoique, on aurait bien dit un mot des caméras insupportables qui vous alpaguent à la sortie des films vous sommant d'avoir un avis immédiat sur ce que vous venez de voir. On imagine bien les gars après Le Fils de Saul, dont on parlera demain, dire : «Ouais, vraiment, c'était un film génial sur la Shoah.» Comme si les images des films n'étaient pas suffisantes, il faut aujourd'hui que chaque média produise les siennes, dans un effet de miroirs en miroir qui donnerait autant le tournis que la gerbe ; comme on n'est pas là que pour commenter l'ambiance, donc, passons aux films de cette 68e édition.
On a déjà dit tout le bien qu'on pensait de La Tête haute, le film d'ouverture signé Emmanuelle Bercot ; on vous dit ailleurs ce qu'on pense du Mad Max Fury Road de George Miller, projeté hors compétition ce jeudi matin juste avant son arrivée massive dans les salles et salué, comme c'est étonnant, par l'ensemble de la communauté geek, dont là encore on aimerait bien voir la tronche à la sortie du Fils de Saul — pourtant...