Une saison revue à la baisse

Si priorité est donnée dans ces colonnes aux spectacles et aux artistes, impossible de faire l’impasse sur les gels ou amputations de budgets culturels annoncés par la Ville en juin. Explications avec Georges Képénékian, 1er adjoint au maire délégué à la culture et réaction des Subsistances et des Célestins. Nadja Pobel

Les salles de la Ville – qui consacre 20% de son budget à la culture – risquent bien de devoir modifier leur offre de programmation dans les mois et années à venir. Car le 15 juin dernier, lors de l’annonce des grandes orientations budgétaires pour la période 2016-2020, le milieu a tremblé : pour combler le désengagement de l’État vis-à-vis des collectivités territoriales (moins 240 M€) et malgré un endettement calculé pour continuer à investir, deux domaines ont souffert plus que d’autres, le sport et la culture. Bilan pour cette dernière délégation : budget gelé pour l’Auditorium-Orchestre National de Lyon, l’Opéra et les Célestins, baisse de 150 000€ pour le musée des Beaux-arts et le Musée d’Art Contemporain, et de 450 000€ pour les Subsistances.

Ce n’est pas un rabotage, nous avons voulu prendre des options qui font sens sans faire dérailler le train plutôt que d’appliquer systématiquement - 8% à tout le monde. On a plutôt fait contribuer les maisons les plus grosses à cet effort pour préserver l’émergence. Et faire en sorte que les budgets création des grandes maisons ne soient pas saqués non plus

tempère Georges Képénékian.

Réinvention des Subs

Les Subsistances ont néanmoins reçu un coup de massue. «Et pourtant, ça aurait pu être bien plus abrupt» précise Georges Képénékian, tant cet équipement est mal perçu, notamment par la chambre régionale des comptes. Au total, ce sont tout de même près de 25% de son budget (1, 8 M€, quasi intégralement apportés par la ville) qui part en fumée. Cathy Bouvard, sa directrice déléguée, a de fait dû revoir sa programmation et ne l’a d’ailleurs toujours pas annoncée ; elle sera désormais trimestrielle.

Si les attaques sur un certain élitisme (malgré un taux de remplissage de plus de 80%) l’ont attristée, elle assume diriger une maison entièrement dédiée à la création, «comme peut l’être Beaubourg», et reconnait volontiers que les artistes «font parfois des choses complexes». Reste que c’est aussi là que sont "nés" David Bobée (dont les Subs ont récemment initié et co-produit le très réussi Paris) et Phia Ménard (actuellement associée au TNG), où se sont rencontrés Gisèle Vienne et son désormais indispensable acolyte Dennis Cooper, et là que, peut-être, sera lancée pour de bon la carrière du magicien auteuriste Yann Frisch qui viendra en décembre.

Loin de se décourager, Cathy Bouvard est aussi en train de transformer son lieu. Il sera dès cette saison ouvert plus souvent, avec notamment un "Moi de la danse" qui s’étalera sur mars. Fini donc les week-ends de création très denses. Terminé aussi "Aire de jeu" qui voyait un musicien contemporain dialoguer avec des chorégraphes. Seul "Livraisons d’été" devrait durer plus longtemps et faire des Subs une des places majeures où flâner à l’orée des beaux jours – deux créations signées des circassiens Melissa Van Vépy et Nathan Israël sur le thème du héros sont annoncées, dont l'une sera itinérante. «On est en train de se réinventer avec force» affirme encore Cathy Bouvard qui, en dépit de ce contexte difficile, veut faire vivre ce formidable outil de travail :

Nous devons rester le repère de la création en théâtre, danse, cirque à Lyon défend-elle, mais nous sommes une scène expérimentale, avec une salle de 120 places et une verrière pas constamment équipée, nous n’avons pas été conçu comme un lieu de diffusion. Ce modèle est particulier mais doit rester accessible».

Pour cette raison, bien que les tarifs augmentent (bye bye le très minimal 8€), ils resteront abordables (entre 10€ et 14€).

Réorganisation des Célestins

Aux Célestins, l’heure est également à l’inquiétude, mais pas à l’abattement. Marc Lesage, le co-directeur du théâtre, savait bien sûr que le temps n’était pas à l’embellie. Mais compte-tenu de l’avancement mécanique des salaires de ses 54 permanents (plus les nombreux saisonniers), «avec ce gel sur cinq ans, nous aurons d’ici 2018 une marge artistique à zéro, hormis la création artistique de Claudia Stavisky subventionnée par la Métropole» annonce-t-il. Alors quoi faire ? Supprimer la petite salle de la Célestine ? Ni lui ni la mairie ne le souhaitent, bien qu’elle coûte très cher avec sa jauge à 134 places où il se refuse à programmer des petits spectacles de type monologue :

Il y a déjà peu de petits lieux pour toutes les compagnies en émergence et si notre rôle n’est pas de les révéler, il est de les accompagner comme nous l’avons fait avec La Meute l’an dernier

Le développement du mécénat en période de crise ne lui semble pas non plus une hypothèse plausible. Quid des mutualisations – cette saison, les Célestins font cause commune avec le TNP pour accueillir Joël Pommerat et avec le TNG pour Romeo Castellucci ? «C’est une alternative, mais ça ne suffit pas. Quel est l’intérêt de tout mutualiser ? Les programmations seront uniformes.» N’avoir plus qu’un seul directeur ? L'impact financier serait anecdotique d'autant que pour Marc Lesage, ils ne sont pas trop de deux pour diriger cette maison. Il n'en reste pas moins vrai que la permanence de Claudia Stavisky (tout comme celle de Serge Dorny à la tête de l’Opéra) est une épine dans le pied de la municipalité.

Pour Marc Lesage, la réponse à ce gel de budget, par ailleurs, très bien compris passera par un changement de statut (de régie directe à EPCC) leur donnant plus d’autonomie et les préservant de la course aux spectacles rentables. Et de conclure : «Ce serait quand même malheureux qu’une structure de 4, 7 M€ ne diffuse que cinq spectacles par an !»

Présentation de saison
Aux Subsistances samedi 19 septembre

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Jeudi 12 mars 2020 Les annulations et reports s'accumulent dans presque toutes les structures de la métropole, impactant durement tout un écosystème déjà fragile. Voici ce qui nous a été communiqué. Nous mettrons cet article à jour au fur et à mesure. (dernière mise à...
Mardi 24 septembre 2019 Enfin. Après près de quatre années de travaux et de vie cachée, Grrrnd Zero, squatt autorisé désormais localisé dans le quartier de La Soie, peut ouvrir grand ses portes officiellement, ayant recueilli toutes les autorisations nécessaires....
Mercredi 21 novembre 2018 Le co-directeur du Théâtre des Célestins quittera ses fonctions le 31 décembre prochain pour prendre la direction du Théâtre de l'Atelier à Paris, au 1er (...)
Jeudi 26 avril 2018 Ça y est, nous avons « pu entrer dans l'histoire » comme l'annonçait pompeusement le teaser concernant l'ouverture de l'Hôtel-Dieu. Dès ce vendredi 27 avril à 10h, une partie des magasins seront ouverts et cet édifice est selon les mots de Georges...
Mardi 13 mars 2018 La crue de la Saône est terminée mais elle a provoqué une inondation dans la petite salle du Théâtre des Célestins, inutilisable jusqu'à la fin de la saison. Pour (...)
Mardi 10 octobre 2017 Nouvel adjoint en charge de la Culture de la Ville de Lyon, Loïc Graber est le nom que l'on n'attendait pas pour ce poste. Dans un milieu culturel qui ne le connaissait que peu, il commence à se faire un nom. 
Mardi 22 août 2017 Le 17 août, c'est un pan de l'histoire de Guignol qui s'est éteint avec la disparition d'Yvonne Moritz, directrice du Véritable théâtre Guignol du parc de la Tête d'Or.
Lundi 17 juillet 2017 C'est fait ! Après 16 ans de règne à la mairie de Lyon, Gérard Collomb a cédé sa place à Georges Képénékian. Et ce, jusqu'à la fin du mandat en 2020 - sauf si Gérard Collomb quitte le gouvernement et décide de reprendre son poste. Les délégations...
Mardi 13 juin 2017 C'est une figure du théâtre lyonnais qui s'est éteinte ce week-end. Ces travaux tournaient peu ces dernières années, mais il a traversé les décennies auprès de grands artistes.
Mardi 7 mars 2017 Confrontée aux baisses de subventions, l'équipe de 6e Continent menée par son emblématique directeur Mohamed Sidrine tente de trouver des solutions. La mairie est à l'écoute, mais souhaite un projet revu et corrigé.  
Mardi 6 décembre 2016 C'est peu dire que sa leçon inaugurale lors de son entrée au Collège de France est un délice. Patrick Boucheron, médiéviste spécialiste de Machiavel, a toujours (...)
Mardi 13 septembre 2016 Parmi la pléthorique offre de visites plus ou moins inédites proposées durant ces Journées du Patrimoine, en voici quatre qui nous ont émoustillé. Et en prime, tout le programme en bas de l'article.
Lundi 29 novembre 2010 Entretien / Georges Képénékian, adjoint au Maire de Lyon, délégué à la culture et au patrimoine revient sur la «procédure» de nomination du futur directeur du Théâtre de la Croix-Rousse. Propos recueillis par Dorotée Aznar
Samedi 4 septembre 2010 Entretien / Georges Képénékian, adjoint à la Culture et au Patrimoine, dresse le bilan d’une saison épineuse et évoque les sujets qui vont animer la rentrée culturelle 2010. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X