Mi-août, Ostgut Ton fêtait ses dix ans à domicile. Cette semaine, c'est au Transbordeur et au Sucre que la (panzer) division discographique du célèbre Berghain poursuit les hostilités. Petites natures s'abstenir.
«Don't forget 2 go home !» N'oubliez pas de rentrer à la maison. Dans la file d'attente grillagée qui mène au Berghain, couloir de la (petite) mort à l'entrée duquel mieux vaut abandonner tout espoir – de passer le contrôle au faciès de Sven Marquardt, l'iconique et impénétrable physionomiste qui sépare le bon grain électromane de l'ivraie party animalière à l'autre extrémité –, voilà le seul conseil qui vaille. Tagué sur un bout de mur du temple berlinois de la culture électronique, il en est même devenu le slogan officieux.
Et pour cause : réincarnation de l'Ostgut, haut lieu de la culture queer dont les agents actifs de la gentrification firent table rase début 2003, cette ancienne centrale de l'est convertie un an plus tard en club (techno au Berghain à proprement parler, house au Panorama Bar à l'étage, musique contemporaine à la Kantine, installée dans une aile) / spot de parachutisme (vous voyez très bien de quoi on parle) / boîte à cul (gay au Berghain, hétéro au Panorama) a fait de la désorientation sa marque de fabrique. Pénombre quasi-permanente, sets-marathons (du jeudi soir au lundi matin pour les plus endurants), contrôle des contacts photographiques avec le reste du monde... À l'intérieur du Berghain, les heures semblent se dilater au même rythme, à la fois familier et insaisissable, que dans la Salle de l'esprit et du temps de Dragon Ball.
Poids lourd
Évidemment, la musique diffusée par son système son, l'un des plus réputés de la planète, n'est pas étrangère à cette sensation. Au contraire : massives, anthracites, itératives, baignées d'une touffeur de salle des machines et raffinées à l'extrême (au sens pétrolier du terme), les tracks que transmettent ou composent ses résidents aux mâchoires serrées pulsent d'une foi des plus radicales dans les vertus mécaniques et introspectives de la house et de la techno.
Fondé dès la deuxième année d'exploitation du lieu, le label Ostgut Ton en est l'expression patrimoniale, fut-ce par la captation de mixes virtuoses (ceux, entre autres, de Norman Nodge, de Len Faki et du manager de la chose, Nick Höppner, sont de véritables traités de dynamique et d'ouverture d'esprit) que via la production de premiers albums à l'incontestable maturité (notamment ceux du poster boy Ben Klock, de la première dame Steffi et de Marcel Fengler).
Et la grande fête en deux temps (techno le samedi au Transbordeur, house le lendemain au Sucre) et beaucoup plus de trois mouvements que lui ont concoctée les adeptes de l'urbex sonore de We Are Reality, bien que boudée par quelques personnages historiques (Marcel Detteman, Tama Sumo, ladite Steffi), l'une des plus approchantes de la full experience promise par les city guides à laquelle vous pourrez prendre part.
We Are Reality – Ostgut Ton Zehn : Ben Klock + Marcel Fengler vs. Function + Fiedel + Kobosil
Au Transbordeur samedi 19 septembre
We Are Reality – Ostgut Ton 10 Years : Gerd Janson + Nick Höppner + Martyn + Massimiliano Pagliara
Au Sucre dimanche 20 septembre