Le pari de transposer "Vingt mille lieues sous les mers" sur un plateau de théâtre était osé. Si la partie musicale, assurée par les Percussions Claviers de Lyon, est impeccable, le reste manque de chair et de mouvement.
L'épopée maritime de Jules Verne se déployant à l'échelle de toutes les mers, la circonscrire à une scène n'était pas gagné d'avance. Cette difficulté, la metteur en scène Emmanuelle Prager a choisi de la scinder en deux : une imagerie d'Étienne Guiol, jeune diplômé d'Émile Cohl, et le récit fidèle du texte, confié à trois comédiens filmés face caméra sur un fond uni.
Soit les péripéties du scientifique Pierre Aronnax, missionné pour tenter de neutraliser une créature qui sème la terreur dans les eaux du globe : non pas un gigantesque narval comme il le soupçonnait, mais un sous-marin, le Nautilus, piloté par un certain Capitaine Nemo qui, lancé dans une bataille personnelle misanthropique, les kidnappent lui et son domestique Conseil.
Ces héros modernes ne sont malheureusement jamais vraiment incarnés. Pourtant constitutive du texte, la notion de mouvement est la grande absente de ce travail – Olivier Borle, Baptiste Guiton et Renaud Golo donnant l'impression de lire un prompteur là où il leur faudrait souligner l'émotion et la noirceur de cette incroyable aventure. Au point que même les aquarelles de Guiol, projetées en alternance avec les séquences vidéo et pourtant somptueuses, accentuent cette sensation d'immobilisme.
Percutantes percussions
Le rythme effréné de l'œuvre se traduit fort heureusement en musique, de toute évidence la vraie raison d'être de cette adaptation scénique. Les cinq membres des Percussions Claviers de Lyon occupent en effet à eux seuls l'espace. Et ils le font brillamment, pour peu qu'on ne leur demande pas autre chose – leurs rares prises de parole sont elles aussi sans relief.
Gérard Lecointe, directeur du Théâtre de la Renaissance (où le spectacle a été créé) et de cet ensemble dont l'harmonie n'est plus à prouver (par ailleurs joliment éclairé), a choisi d'adapter des partitions de compositeurs contemporains de Jules Verne, à savoir Claude Debussy, Albert Roussel, Paul Dukas et Camille Saint-Saëns. Un choix judicieux, qui donne du souffle à ce voyage qui, sans cynisme aucun, serait en définitive plus à sa place dans un cadre radiophonique.
Vingt mille lieues sous les mers
Au Théâtre de Villefranche samedi 17 octobre