Ça commence un peu comme une perversion de Joël Pommerat. Si la Belle au bois dormant, Berthe de son petit nom, s'est piqué le doigt sur un fuseau, ce n'est pas sous l'emprise de la fascination, mais pour se soustraire à son ennuyeuse condition de princesse. Le souci, c'est que le preux chevalier censé la réveiller a vécu heureux et eu beaucoup d'enfants avec une autre – ou succombé aux embûches menant à sa ronflante promise. Du coup, c'est Eddie, un naze de la cambriole, qui va s'y coller 536 ans plus tard.
À partir de là, Jacques Chambon, auteur de ce Milady en sous-sol, reprend ses droits – l'auguste et le clown blanc, la dichotomie freudienne, vous connaissez la chanson de geste. Car tout sépare Eddie et Berthe, y compris des siècles d'évolution des mœurs et des droits : elle est cash et pragmatique, lui est hypersensible et philosophe, et Chambon n'aurait pu leur trouver meilleurs interprètes que le couple Chrystel Rochas / Aurélien Portehaut.
Non seulement parce que les bouilles polissonnes de la première et le timing de star du muet du second font tout le sel de quiproquos plus ou moins attendus – le cinéma ayant déjà pas mal exploré cet interstice comique, pour le meilleur (Retour vers le futur) et surtout pour le pire (Le Chevalier Black). Mais aussi parce qu'ils les ont inscrits dans une vraie mise en scène, qui tire avantage de la configuration souterraine du Boui Boui (en particulier dans ses jeux de lumière) et ne sous-estime pas le potentiel narratif des accessoires. Observez bien la gourde d'Eddie. Elle dit à elle seule le soin apporté à un spectacle par ailleurs pas exempt de tendresse.
Milady en sous-sol
Au Boui Boui jusqu'au 27 décembre