Ce sont de petits bijoux que Christiane Ghanassia a traduits et adaptés : de courts récits autobiographiques de Thomas Bernhard publiés entre 1975 et 1982. Où il est question de la douloureuse enfance du futur écrivain : l'internat, la guerre, la maladie, la mort aussi, de celui qui l'a élevé et dont il était très proche, son grand père. L'ensemble donne bien sûr des clés pour comprendre la misanthropie qui parcourt l'œuvre de l'Autrichien. Mais aussi son goût pour les situations soliloquées.
Dans sa nouvelle création, Gilles Pastor, qui avait signé l'an dernier un très intelligent Affabulazione, égrène ainsi cinq monologues portés par un maitre du genre, Jean-Marc Avocat, dont la voix à la fois caverneuse et douce s'accorde parfaitement avec ces écrits dépourvus de cynisme mais pas de gravité. Le travail sur la vidéo, dont Pastor est un habitué, est fort à propos également, avec de grandes vues sur les Alpes qui accentuent notamment ce sentiment de solitude dont il est question dans la deuxième partie, consacrée à l'internat.
Dans des dortoirs «crasseux et puants», Bernhard est «naturellement» préoccupé par le suicide, fil rouge du spectacle, seul échappatoire à la déréliction ambiante. La guerre est ainsi racontée du point de vue de l'adolescent qu'il était, en évoquant le bruit traumatisant des bombes et la main d'un enfant arrachée pendant que, sur l'écran, Gilles Pastor projette un glacier qui s'effondre. Il ne tombe pour autant jamais dans le nihilisme d'un écrivain qui, bien que né dans une époque de grand chaos affirme : «Nous ne tenons pas à la vie mais nous ne la bradons pas à un prix dérisoire.»
Thomas
Au théâtre de la Croix-Rousse du mardi 3 au samedi 7 novembre