C'est peut-être le label lyonnais le plus en vogue actuellement. C'est en tout cas le plus fécond et le plus dégourdi. Présentation de la smala indie pop AB Records, à l'occasion des focus que lui consacrent successivement le Kraspek Myzik et la BM.
En musique comme en toute chose, les mots ont leur importance. Dans la quiétude de la colocation qui abrite leurs activités, aussi joliment négligée que les chansons qu'ils diffusent, les fondateurs d'AB Records trouvent les bons l'air de rien : quand ils ont créé le label en 2011 à Annecy, ce n'était pas pour publier des disques, mais des «objets musicaux». Au-delà de ce qu'elle révèle de leur background – ils suivaient alors un cursus artistique – la formule en dit long sur le souci de bien faire qui anime ce collectif de slackers peroxydés et de nerds à grosses montures. Et sur l'intelligence qui les soude.
Car AB n'est pas un label traditionnel. Il ne travaille pas au développement de la carrière des musiciens, il se "contente" de les faire se sentir moins seuls : «À part sortir leur album, on ne peut pas faire grand chose pour eux. Mais on est toujours sincère avec ça. On leur explique qu'ils seront bien, au sein d'une famille qui pourra peut-être servir de tremplin pour d'autres rencontres, mais rien de plus. On veut que les choses restent simples.»
See you later, Alligator Baby
Au point que la ligne éditoriale d'AB se dessine comme à main levée, sur cassette aussi bien qu'en téléchargement, entre expérimentations électroniques et nouvelles écritures indie – certains se sont même approprié d'eux-mêmes son emblématique bébé alligator. Ces derniers temps, elle épouse globalement les contours d'une pop qui, bien que d'apparence protéiforme, se révèle à l'intérieur unanimement bienheureuse et décomplexée – attitude jadis personnifiée par la clique hip-hop Anticon et dont le secret est désormais planqué dans le diastème de Mac Demarco.
Elle est (voix de) tête en l'air et bruitiste chez House of John Player, projet solo de l'expat' anglais Dean Spacer, dont la prolificité donne également des ailes au trio électrique Gammy Bird. Elle se fait rêche et confidente chez François Virot, qui réserve ses compositions les plus extatiques et tordues à Clara Clara. Elle bruisse de textures luxuriantes et de beats implacables chez Alexander Van Pelt, par ailleurs membre de Coming Soon.
Autant de talentueux bricoleurs de mélodies à découvrir à la BM de la Part-Dieu, le temps d'une fin d'après-midi acoustique qui résonnera doucement avec le Plug & Play du Kraspek, où se produiront au complet deux autres groupes. D'abord celui de la princesse synthétique Kcidy, dont on vous a maintes fois vanté les délicats mérites – qu'elle fait aussi valoir au sein de l'excellent big band psyché Satellite Jockey, en lice pour les découvertes du Printemps de Bourges. Et enfin le all star band Sierra Manhattan, dont les surf songs candides et nonchalantes résument à elle seule la trajectoire en forme d'orbite solaire d'un label qui n'a pas fini de nous faire rêvasser.
AB Records Super Party : Kcidy + Sierra Manhattan
Au Kraspek Myzik jeudi 21 janvier
Carte blanche à AB Records : François Virot + Kcidy + Alexander Van Pelt + Sierra Manhattan + House of John Player
À la BM de la Part-Dieu vendredi 29 janvier