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Anomalisa

Anomalisa
De Charlie Kaufman et Duke Johnson (ÉU, 1h31) avec David Thewlis, Jennifer Jason Leigh...

Comme David Lynch, Charlie Kaufman fait partie de ces gens qui, sans le cinéma, seraient à coup sûr devenus un peu fous. Explorant leurs insondables mondes intérieurs, les films qu’ils conçoivent défrichent et déchiffrent des territoires cinématographiques fascinants. C’est encore le cas avec Anomalisa, sa première animation en stop-motion…

Depuis ses débuts comme scénariste de Spike Jonze ou Michel Gondry, Charlie Kaufman tire de son crâne des histoires cousines, où les protagonistes éprouvent brutalement une modification dans leur perception de la réalité et sont confrontés à des événements pouvant évoquer des symptômes schizophréniques : surgissement de personnages uniformes ou incarnant l’altérité, disparitions soudaines… Habituellement dévolu à des thrillers ou des films d’épouvante, ces thèmes ont ainsi emprunté avec Kaufman de multiples variations, abordant la comédie surréaliste (Dans la peau de John Malkovich) comme le drame romantique (Eternal Sunshine of the Spotless Mind).

Nourri de ses expériences d’auteur, le scénariste a pris parallèlement un tournant plus radical et personnel. Il poussa en effet son questionnement à l’extrême, pour deux films usant de la mise en abyme et interrogeant l’acte de création : Adaptation. (2002) et Synecdoche, New York (2008). Deux œuvres emboîtées sur elles-mêmes, contenant moins de résolutions que d’interrogations, cependant cohérentes avec la démarche de Kaufman dont elles dévoilaient la tortueuse progression — elle demeuraient difficiles à appréhender sans exégète ou psy à portée de divan. De longues années de silence suivirent la dernière, rompues en beauté(s) par Anomalisa.

RETOUR À L’ANORMAL

Beauté formelle, tout d’abord, de ce film d’animation en stop-motion. Un procédé de bénédictin, dont on se demande pourquoi Kaufman n’y a pas eu recours plus tôt — surtout à l’époque où il travaillait pour ce bricoleur de Gondry — tant l’infini de ses possibilités et sa philosophie mécanique se révèlent en adéquation avec son univers. Ressemblant suffisamment à des humains pour susciter un trouble et cependant identifiables comme des marionnettes dont elles conservent la raideur, les figurines “interprétant” le film créent un simulacre de réalité comparable à l’état de confusion vécu par les personnages. Empruntés, maladroits, un brin pathétiques, ils sont hurlants de vie, grâce aux voix qui contribuent à effacer leur essence non humaine.

Beauté subtile, ensuite, de ce conte (très) moral épuré, évoquant comme Lost in Translation de Sofia Coppola (dont il partage l’atmosphère mordorée d’un hôtel impersonnel) l’ultra moderne solitude contemporaine flottant dans ces non-lieux anonymes et autres espaces intermédiaires que sont les villes. Beauté triste, enfin, de sa conclusion fataliste : il est illusoire de se bercer d’illusions dans notre monde conformiste. VR

Anomalisa
de Charlie Kaufman & Duke Johnson (ÉU, 1h31) animation

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