de Anders Thomas Jensen (Dan, 1h44) avec Mads Mikkelsen, David Dencik, Nicolas Bro...
Pas étonnant que le nouveau Anders Thomas Jensen ait remporté les faveurs du public lors du festival Hallucinations collectives : Men & Chicken était carrossé pour une audience raffolant d'un cinéma de genre décalé, dynamique et incorrect. Un sorte d'hybride dont le Danois s'est fait le champion depuis Les Bouchers verts (2003), avec des réalisations baignées d'un humour noir mettant volontiers à mal ses personnages, comme ceux qui les interprètent. C'est encore le cas ici pour son comédien fétiche Mads Mikkelsen, qui subit niveau maquillage ce que Serrault acceptait jadis de Mocky : un enlaidissement gratiné lui donnant visage presque aussi inhumain que ses malheureux partenaires, joyeuses fratrie de freaks passant leur temps à se flanquer des peignées à coup d'oiseaux empaillés (quand ils ne fabriquent pas du fromage).
D'aucuns trouveraient morbide ou malsaine cette inclination pour la tératologie, qui rapproche Jensen du Guillermo del Toro réalisateur du Labyrinthe de Pan et surtout de L'Échine du diable (2001). Tous deux usent de la monstruosité physique comme d'une extériorisation métaphorique des turpitudes morales de l'Homme ; comme d'une réplique immanente aux prétentions humaines à défier l'ordre de la Nature et son éthique. Mais si le cinéaste mexicain ressasse la culpabilité de la nation espagnole, et tente de la dissiper dans des œuvres saturées d'angoisses, son homologue venu du Nord opte pour un exorcisme par l'absurdité et l'humour. Une approche en apparence plus légère, aux effets collatéraux inattendus : à moins d'être particulièrement pervers, il vous sera difficile de consommer du poulet, du bœuf ou du fromage en quittant la salle.