Le vin fait de la résistance

Sous les pavés la vigne

Palais de la bourse

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Le Mois du Vin Naturel / Trois salons dédiés, des dégustations, des fêtes, des dédicaces d'ouvrages : durant un mois, à Lyon, le vin naturel est à l'honneur... Le vin quoi ?

On perdrait son temps à chercher la définition stricte (ou pire, le cadre légal) du vin naturel : il n'en existe pas. On parle aussi bien de vin nu, nature, vivant, rebelle, pour qualifier l'œuvre de vignerons dont on peut dire, minimalement, qu'ils sont en rupture avec le mode de production conventionnel. La culture de la vigne est aujourd'hui une grande consommatrice de pesticides (20% des stocks utilisés par l’agriculture française, pour à peine 4% des terres cultivées). Et la fabrication du vin autorise l'usage de 47 additifs différents. Les vignerons nature — et c’est ce qui a priori les rassemble — ont pris le parti de ne plus jouer aux apprentis-chimistes. Ils refusent l’usage de produits nocifs dans les vignes et l'interventionnisme durant la vinification. Et sont tentés de ne pas filtrer, ni sulfiter, leurs nectars lorsqu'ils les mettent en bouteille.

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Sébastien Milleret, caviste à la Croix-Rousse (Ô vins d’anges) rappelle le cercle vicieux de l'agro-industrie : « traiter chimiquement la vigne induit des effets de bord : le cycle de la plante est déréglé, on obtient des raisins carencés ; il faut ensuite rattraper les dégâts... avec des béquilles chimiques. » Plus on traite, plus on traite ! À l'inverse : des « raisins nickels » (bio, résultats d'un travail agricole minutieux et respectueux des sols) offrent beaucoup plus de chance selon lui (et sans levures industrielles, sans intrants œnologiques, sans micro-filtration, voire sans soufre) de produire « de vrais vins de terroirs, fidèles à leur sol. » En somme, même si « ce n'est pas parce que c'est naturel que c'est nécessairement bon », pour viser l'excellence, on a de bonnes raisons de vouloir faire ainsi.

Tendance rebelle

Laisser faire la nature demande paradoxalement un surplus de travail et d’attention dans les vignes ; cela présente plus de risque aussi (de perdre une partie de sa production). Ce qui fait dire au réalisateur Jonathan Nossiter (interviewé par Antonin Iommi-Amunategui pour la revue Omnivore) que les vignerons de la Résistance Naturelle (titre de l'un de ses films) « sont de vrais héros concrets. » Il salue leur anti-conformisme pas forcément très punk, en tout cas laborieux : « Ils sont dans le geste, ils travaillent la terre, ils en produisent quelque chose qui nous donne de la joie, qui nous transmet l’histoire, qui nous amène vers une innovation joyeuse et saine. Ils nous offrent un modèle de résistance, merde ! »

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Mais résistance à quoi ? Au productivisme, à la prolifération des substances nocives dans l'environnement, à la grande-distribution et à la standardisation du vin : « rien de plus conforme à la logique de distribution déshumanisée que l'homogénéisation des vins » dit le vigneron beaujolais Lilian Bauchet.

Victime de la mode

Le caractère anticonformiste du vin naturel le destine-t-il à une caste de buveurs bien informés, déjà convaincus ? Né (volontairement) à la marge du monde viticole, il est aujourd'hui l'objet d'un intérêt grandissant. Ce qui n’est pas sans agacer. Certains dégustateurs vieille école (et respectés) dénoncent des « vins approximatifs », portés (selon eux) par les partisans d'un « recul de culture et de civilisation », et de « jeunes cavistes rétrogrades. »

Les polémiques n'ont pas empêché le pinard dit nature de s'imposer sur certaines des tables les plus prisées (et les plus chères) du moment. Le fameux restaurant Noma à Copenhague fait ainsi la promotion des vins propres, comme ceux de Dominique Derain et Jean Foillard (présents cette année au salon Rue89Lyon), ou encore Andrea Calek et Axel Prufer (que l'on croisera au salon des Débouchées).

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À Lyon aussi, on retrouve les quilles nature à la carte des restos du moment : on pense au Café Sillon, à Substrat ou encore au Prairial. Des cavistes passionnés s'échinent à expliquer et défendre la démarche de ces vignerons (lire en page 4).

Et ce qui pouvait ressembler à un phénomène marginal est désormais porté par un effet de mode. On ne voit pas de raisons de s'en plaindre, tant que le mouvement du vin naturel reste vivant, turbulent et se garde bien de vouloir imposer de nouveaux standards. Ce mois de novembre va nous permettre de constater sa vitalité, et devrait nous offrir de belles occasions de découvertes, soirées et rencontres. La dégustation commence maintenant !

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