Le Film de la Semaine / Jeremy Irons nous guide à travers le monde des déchets gouverné par de belles saloperies : dioxines et plastiques — des polluants ubiquistes impossibles à recycler, résidus de la révolution industrielle et des Trente Glorieuses. Un documentaire aussi édifiant qu’effrayant.
Fin octobre, le WWF publiait une étude révélant l’extinction de 50% des espèces de vertébrés durant les quarante dernières années. À qui la faute ? Trashed délivre davantage qu’une ébauche de réponse à ce cataclysme supérieur à tous les accidents géologiques passés, en accumulant des strates d’informations. Pour certaines collectées au grand jour ; pour d’autres ramassées dans la fange putride de nos poubelles. Lesquelles, sous nos yeux obstinément aveugles, ont gagné notre espace vital. Elles gagneront tout court, si l’on n’y prend garde.
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Ordures !
Sur le front environnemental, d’aucun(e)s pensent qu’il est plus productif pour la cause d’encenser en sautillant benoîtement un chapelet de micro-initiatives positives, en prenant grand soin d’éviter de s’attarder sur la situation actuelle, décidément trop anxiogène. Une étrange forme de méthode Coué consistant à consentir un traitement, sans accepter de reconnaître la maladie — tout à fait en phase avec notre époque de l’aseptisé triomphant. Ici, Jeremy Irons ne fait pas de cœurs avec les doigts, ni n’étreint ses interlocuteurs sur fond chill-out. Pas plus qu’il ne déverse un discours ruisselant d’optimisme angélique pour ne pas risquer d’effrayer le bourgeois.
Attendez-vous donc à voir les images-choc d’Everest de poubelles broutées par des animaux et laissant goutter leur jus dans la Méditerranée, d’incinérateurs poussant à côté d’écoles, de cas de cancers liés à l’utilisation de plastiques, de malformations consécutives à des herbicides. Sans oublier les animaux marins piégés par les détritus ou le bouillon flottant ressemblant à un continent au milieu de l’océan, nourrissant le premier niveau de la chaîne alimentaire. Et le poison se diffuse en boomerang, puisque nous nous situons à l’autre bout…
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Rassurez-vous, Irons ne nous abandonne pas au seul désespoir : il salue la nouvelle émergence du commerce en vrac, la tendance zéro déchet / décroissance et suit l’exemple fructueux (bien connu) de la ville de San Francisco, pionnière en matière de tri et de super valorisation des ordures. Tout n’est donc pas perdu ; il ne reste plus qu’à régler la question des déchets nucléaires ultimes…
Trashed de Candida Brady (G-B, 1h38) documentaire avec Jeremy Irons…